Vous avez remarqué que votre enfant parle en sortant la langue sur certains sons, qu’il zozote. Vous avez l’impression qu’il parle comme s’il avait « un cheveu sur la langue ». 

Peut-être présente-t-il un sigmatisme interdental ? Comment le confirmer ? Comment l’aider ?


Le sigmatisme interdental


# Qu’est-ce que c’est ?

C’est un des troubles de l’articulation les plus fréquents, dans lequel la pointe de la langue vient se placer entre les dents de devant (figure B) au lieu de se placer contre elles (figure A) quand il faut prononcer certains sons. Les sons les plus couramment altérés sont le « s » et le « z ». Plus généralement, le sigmatisme interdental concerne les sons ou phonèmes dits apico-dentaux (« s », « z », « t », « d », « n »). Pour plus de détails voir les fiches sur la production des sons et la mauvaise prononciation chez l’enfant.

Schémas adaptés du livre « Méthode de rééducation des troubles articulatoires isolés avec les guides-langue de S. Borel-Maisonny » de Christiane LANGEL (éditions Jaquet – 2007).

 

Ceci a pour conséquence une déformation de ces sons, comme dans les extraits audio ci-dessous :

 

# Cette malposition de la langue peut être favorisée par : 

  • Une déglutition atypique (dite primaire) : quand l’enfant continue de mettre la langue entre les dents quand il avale, comme les nourrissons. 
  • Différentes manies de succion : la tétine, le pouce, la poursuite tardive du biberon, d’autres suçotements (de la lèvre, des manches, du doudou…).
  • Un problème orthodontique (mauvaise occlusion dentaire).

# Quelles conséquences le sigmatisme interdental peut-il entraîner chez mon enfant ?

  • Sur le plan social : des camarades peuvent se moquer de lui en disant qu’il « parle comme un bébé », ce qui pourrait le décourager de prendre la parole en public.
  • Sur le plan orthodontique : cette position de la langue peut avoir des conséquences sur la position des dents et rendre parfois nécessaire la pose d’un appareil dentaire. La consultation d’un orthodontiste pourra d’ailleurs vous être recommandée dans ce contexte.

Toutefois, il ne faut pas s’inquiéter démesurément. En effet, des études récentes ont montré que les sons « s » et « z » s’acquièrent entre 2 et 7 ans en fonction de la position de ces sons dans les mots (début/milieu/fin de mot). 


Comment évolue un sigmatisme interdental ? 


Parfois, le sigmatisme interdental régresse spontanément avec l’âge. Lorsque l’enfant grandit, ses dents définitives apparaissent et lui donnent des repères différents. De plus, en mûrissant, il maîtrise de mieux en mieux ses organes phonatoires.

Dans certains cas le sigmatisme peut persister et une prise en charge orthophonique est alors possible.

# Quand consulter l’orthophoniste ?

  • Si votre enfant est gêné par son sigmatisme ou que cela impacte ses relations aux autres ou son estime de lui-même.
  • Si le sigmatisme persiste après la poussée des dents définitives (incisives supérieures et inférieures).

Certains prérequis sont nécessaires pour une bonne dynamique de progression de la rééducation orthophonique :

  • Que votre enfant ait conscience de sa mauvaise position de langue.
  • Qu’il ressente une gêne (souvent les enfants verbalisent qu’ils en ont assez que leurs camarades se moquent d’eux).
  • Que la dentition soit complète notamment au niveau des incisives.

Quel est le rôle de l’orthophoniste ?


L’orthophoniste réalise un bilan de la parole pour poser un diagnostic, mais aussi, systématiquement, du langage oral, pour éliminer un trouble du langage associé (pour plus de détails voir cette fiche).  

L’orthophoniste établit ensuite des priorités dans sa prise en charge en fonction des difficultés repérées. Pour ce qui est du sigmatisme interdental, les objectifs de travail sont en général :

  • La prise de conscience du trouble par l’enfant.
  • La correction de la position de la langue à l’aide des exercices techniques ciblés. 
  • La généralisation au quotidien à travers des conseils aux parents.
  • A terme, l’automatisation des progrès par l’enfant dans sa vie de tous les jours.

Que puis-je faire en tant que parent pour aider mon enfant ?


La présence d’un sigmatisme interdental peut vous inquiéter en tant que parents et vous donner le sentiment d’une « parole imparfaite ». Vous vous demandez comment aider votre enfant ? Voici quelques conseils.

# Principes généraux : 

  • Eviter de le corriger explicitement ou de le faire répéter.
  • Ne pas pointer les difficultés d’articulation devant les autres (y compris ses frères et sœurs). 
  • Ne pas se moquer de lui en l’imitant.
  • Favoriser la communication en s’attachant au contenu du message plutôt qu’à la prononciation.
  • Donner la bonne prononciation en employant soi-même le mot. Mais attention ! Ne pas le faire systématiquement pour ne pas trop interrompre l’échange.

# Eviction des facteurs d’entretien :

Durant les années de maternelle, on amènera progressivement l’enfant à diminuer puis cesser toutes les manies de succion qui entretiennent la mauvaise position de la langue.

  • Le biberon.
  • La tétine.
  • Le pouce.
  • Les différents suçotements (de la lèvre, des manches, du doudou…).

# Exercices pratiques :

Au-delà de ces mesures de base, vous pouvez aussi essayer quelques exercices pratiques qui visent à améliorer le sigmatisme interdental. Toutefois, pour en tirer bénéfice au mieux, nous vous conseillons de respecter 3 règles d’or pour ces exercices qui doivent être :

  • Courts : 1 à 2 minutes par jour maximum. L’idée n’est pas de faire de l’exercice intensif.
  • Ludiques : le mieux est de les présenter sous forme de jeux. L’idée n’est pas que votre enfant le prenne comme une corvée.
  • Sans pression : prendre un moment privilégié (ne pas le faire devant les autres), en gardant en tête qu’il ne fait pas exprès de mal prononcer.  

1- Exercices de prise de conscience des organes de la parole : 

Comme nous l’avons dit plus haut, la prise de conscience par l’enfant du mauvais positionnement de sa langue est une des premières choses qui doit se faire pour améliorer le sigmatisme.

Pour cela, il faut déjà qu’il puisse prendre conscience des différentes parties de sa sphère bucco-faciale (lèvres, dents, palais, langue, joues… ce qu’on appelle les organes bucco-phonatoires) et de leurs mouvements. Vous pouvez pour cela l’aider en vous amusant à faire ensemble différentes grimaces qui mobilisent ces organes bucco-phonatoires et permettent la création de sensations kinesthésiques, c’est-à-dire la perception par l’enfant de ses propres mouvements. En voici quelques exemples : 

  • Pour les lèvres : s’amuser à faire des bisous exagérés, enchaîner des sourires et des pincements de lèvres, faire le tour des lèvres avec la langue.
  • Pour les dents : passer sa langue devant puis derrière les dents du haut et du bas. 
  • Pour le palais : s’amuser à le balayer avec sa langue.
  • Pour la langue : tirer la langue à droite puis à gauche, en haut puis en bas, claquer la langue en imitant le pas du cheval.

 

2- Exercices de prise de conscience de la mauvaise position de la langue : 

Pour cela, vous pouvez vous placer avec votre enfant face à un miroir et faire le son « s ». Vous pouvez alors constater ensemble que chez lui on voit le bout de la langue sortir entre les dents, mais pas chez vous. Vous pouvez ensuite lui demander de refaire le « s » sans faire dépasser la langue.

Alternativement, vous pouvez aussi lui proposer de le filmer en train de faire le « s » et de visionner la vidéo ensemble, avec arrêt sur image pour constater la visibilité ou pas de la langue.

 

3- Exercices de correction de la position de la langue :

Pour aider votre enfant à repositionner sa langue derrière les dents antérieures vous pouvez par exemple lui proposer de maintenir un grand sourire forcé, mâchoires fermées et de faire un long « s » comme pour imiter un serpent. Le fait que les mâchoires restent fermées force la langue à rester derrière les dents. Vous pouvez alors le lui faire remarquer. Pour rendre cet exercice plus ludique, vous pouvez le coupler à  la manipulation d’une marionnette ou d’un jouet en forme de serpent. Vous pouvez aussi donner libre cours à votre imagination !   

Un autre exercice un peu plus technique consiste à commencer par prononcer un autre son qui rend plus facile la transition vers un « s ». C’est ce qu’on appelle de la coarticulation. Le plus simple est d’associer « kssssss », en commençant par le son « k » suivi par un long « s » comme pour imiter le chant des cigales. Débuter par le son « k » met la langue dans une position plus postérieure et facilite la bonne position derrière les dents pour faire le « s » ensuite.


Références

Auteurs

Véronique ANSALDI
Orthophoniste

Sandrine LARGER
Orthophoniste

Caroline MONNARD
Orthophoniste

Elie KHOURY
Psychiatre

Driss HAMADOUCHE
Psychiatre

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