Hélène Poncet Kalifa et Marina Dumas, psychologues TCC, Dr Alexandre Hubert et Dr Coline Stordeur, pédopsychiatres. Centre D’excellence des troubles du neurodéveloppement, Hôpital Robert Debré, Paris, France
Chers parents,
L’urgence sanitaire ont introduit de nouvelles peurs dans la vie de vos enfants : Me suis-je bien lavé les mains ? Et s’il arrivait quelque chose à mes parents ? Et si c’était de ma faute ? Est-ce que mon papy a bien compris que je l’aimais la dernière fois qu’on s’était parlé au téléphone ?
Pour certains d’entre eux, ce types de pensées étaient déjà présentes et ont déjà donné naissance à des comportements ritualisés pour apaiser cette peur. Pour d’autres, ces symptômes viennent d’apparaître ou de réapparaître récemment.
Cette fiche vous propose quelques conseils pour aider votre enfant.
TOC ET SOC, QU’EST-CE QUE C’EST ?
Le Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC) se manifeste par la présence persistante et récurrente d’obsessions et de compulsions qui ont un retentissement sur la vie sociale, familiale ou scolaire. Il s’agit d’un diagnostic posé par un médecin.
Les Symptômes Obsessionnel Compulsif (SOC) sont des obsessions et compulsions qui sont présentes mais avec un retentissement moindre ou absent sur la vie sociale ou personnelle. Ce n’est pas vraiment une maladie, votre enfant le vit plutôt bien.
Les obsessions sont des pensées, des idées ou des images qui sont vécues comme envahissantes, dérangeantes ou inappropriées par l’enfant. Elles s’imposent et sont involontaires : l’enfant a une image de sa maison en feu ou a peur qu’il arrive malheur à un membre de sa famille, ou a peur d’être contaminé… Ces pensées sont associées avec des émotions désagréables : peur, dégoût, honte, culpabilité…
Pour lutter contre l’angoisse liée aux obsessions l’enfant va faire des gestes ou avoir des pensées conjuratoires c’est ce qu’on appelle les compulsions. C’est un peu comme les croyances ou la superstition, comme quand on dit que quand on renverse du sel il faut en jeter une pincée par dessus son épaule gauche, pour conjurer le mauvais sort, mais dans des proportions plus importantes qui entraînent un retentissement sur le quotidien. Ce sont des comportements répétitifs, que l’enfant se sent obligé de faire afin de diminuer l’anxiété causée par l’obsession. Par exemple, lorsque l’enfant a peur d’être contaminé par une maladie après avoir touché quelque chose il va se laver les mains plusieurs fois, de manière excessive. Réaliser ces comportements procure une sensation de soulagement à l’enfant dans un premier temps, mais à la longue c’est un cercle vicieux car à chaque fois que la pensée va revenir il va devoir refaire le comportement.
Ces phénomènes génèrent une souffrance chez l’enfant et perturbent son quotidien. Il peut par exemple, avoir des difficultés à: ranger sa chambre y passant plusieurs heures, éteindre les lumières, franchir le seuil de la porte, monopoliser la salle de bain pendant un temps infini, utiliser un flacon entier de savon liquide par jour…
POURQUOI MON ENFANT ÉVITE CERTAINES SITUATIONS ?
A la différence de la peur qui est là pour nous avertir d’un danger, l’anxiété est une tendance à se faire du souci de façon excessive à propos de quelque chose. Pour ne pas ressentir cette anxiété et pour tenter de réduire les compulsions, l’enfant va éviter les situations qui déclenchent les obsessions et les compulsions : c’est ce qu’on appelle les évitements. Par exemple, l’enfant va éviter de toucher toutes les poignées de porte de la maison qui évoquent chez lui l’idée d’être contaminé, ce qui le pousse à se laver les mains de manière excessive.
POURQUOI LES ÉVITEMENTS AGGRAVENT LA SITUATION ?
Plus l’enfant évite une situation qui l’inquiète, plus il se sent incapable de l’affronter à nouveau. L’anxiété augmente en intensité et en fréquence, et les comportements inadaptés pour l’apaiser avec. On se fait parfois davantage de souci à l’idée de faire quelque chose en comparaison de l’anxiété réellement ressentie en réalisant cette action.
POURQUOI IL EST RECOMMANDÉ DE FAIRE FACE À LA SITUATION REDOUTÉE ?
Lorsque l’enfant affronte progressivement la situation qui fait peur (autrement dit, on s’expose à cette situation), l’anxiété monte, puis se stabilise pendant un certain temps, et ensuite redescend. Cette baisse de l’anxiété est naturelle et inévitable, car elle est sous-tendue par des mécanismes neurophysiologiques qui protègent notre organisme du stress trop prolongé. L’exposition est toujours graduelle, marche après marche, où on se fixe de petits objectifs atteignables. Il est important de ne pas mettre l’enfant en échec en évitant de le confronter trop tôt à une situation qui est encore trop difficile pour lui.
Lorsque l’enfant accepte de faire face à la situation redoutée sans évitement, il aura l’agréable surprise de constater que l’anxiété diminue d’elle-même, et qu’il n’a pas à faire un rituel. La répétition de l’exposition à cette situation va permettre petit à petit à l’anxiété de diminuer en intensité et de durer moins longtemps avant de redescendre. C’est ce qu’on appelle le phénomène d’habituation. La situation pourra alors être vécue avec de moins en moins d’inquiétude.
10 conseils pour prévenir l’augmentation des TOC :
Poursuivez le traitement. Si votre enfant prend un traitement médicamenteux, continuer le traitement. N’hésitez pas à contacter le médecin référent si vous observez des changements dans son comportement (humeur, appétit, sommeil) et la consultation de suivi programmée doit être respectée.
Ne participez pas aux rituels. Il vous est difficile de voir votre enfant en souffrance dans des petits actes du quotidien. Il arrive que pour l’apaiser ou pour gagner du temps vous réalisiez certaines choses à sa place. En réagissant ainsi, vous lui permettez d’éviter de se confronter à ce qui lui fait peur et vous limitez la possibilité pour lui de sentir son anxiété diminuer naturellement. Plus votre enfant évite une situation qui l’inquiète, plus il se sent incapable de l’affronter à nouveau. N’hésitez pas à rappeler : « C’est le TOC là, ton anxiété va finir par passer, si je fais ce que tu me demandes, ça va donner plus de force au TOC, et moi je veux t’aider toi !».
Restez vigilant. Certes, il n’est pas possible de supprimer tous les rituels, mais vous pouvez veiller à ce qu’ils n’augmentent pas. Rappelez à votre enfant que vous l’aimez et que vous croyez en ses capacités à résister à faire une compulsion.
Séparez le TOC et votre l’enfant. Au lieu de dire « tu n’arrêtes pas de faire tes compulsions, tu m’énerves », vous pouvez dire « je vois que le TOC t’embête beaucoup aujourd’hui ». Ça y est, pour une fois, vous pouvez encourager votre enfant à désobéir… au TOC ! Vous pouvez même ensemble lui donner un nom : place à la créativité ! Cette personnification va être utile à votre enfant pour moins culpabiliser sur les obsessions. Et surtout cela vous permet d’être partenaire, vous et votre enfant, face à un ennemi commun : Le TOC. Vous êtes dans le même camp !
Veillez à apaiser la tension au sein de la famille. Certaines situations peuvent amener à des conflits. La tension dans la famille se rajoute à l’anxiété ressentie par l’enfant, qui va chercher à s’apaiser par le moyen qu’il a déjà trouvé : les compulsions. Ainsi, avec l’augmentation des conflits intrafamiliaux, on tend à observer une augmentation de la fréquence des compulsions.
Introduisez des temps de détente. Vous pouvez proposer à votre enfant des exercices de yoga et de respiration, de relaxation guidée (cf. des liens à la fin du document). Il est cependant recommandé d’éviter les relaxations qui laissent trop libre court au flux de pensées et qui pourraient favoriser l’émergence d’obsessions (on évitera la méditation, par exemple).
Prenez soin de vous en tant que parent. Ménagez-vous du temps pour faire des activités qui vous plaisent, repérez les bons moments passés. Cliquer ici
Informez-vous. Prenez le temps de mieux connaître ce trouble. Des livres et des ressources Internet sont à votre disposition (cf suggestions lecture à la fin). Demandez à votre enfant de vous expliquer ce qu’il vit !
Expliquez le TOC au reste de la fratrie. Pour limiter les risques de conflits, il peut être utile d’expliquer aux frères et/ou sœurs de votre enfant les difficultés qu’il rencontre et qui justifient l’attention particulière que vous lui témoignez. Pensez à introduire des moments privilégiés avec les autres enfants de la fratrie également pour éviter un sentiment d’injustice.
Trouvez de l’inspiration. Écoutez, regardez, lisez des témoignages de personnes qui racontent leur parcours pour favoriser la motivation. Et si votre enfant faisait une BD sur son TOC ?
COMMENT AIDER L’ENFANT À RÉDUIRE LES COMPULSIONS EN 10 POINTS
1. Faire une hiérarchie des compulsions. Avec votre enfant, faites une liste des compulsions ou des choses qu’il s’empêche de faire. Classez-les de la plus facile à diminuer à la plus difficile. Attention, n’introduisez jamais les expositions par surprise, à l’improviste. Cet exercice se prépare et se fait en connaissance de cause !
2.Fixer un objectif atteignable. Prenez un moment pour mettre en place un plan de bataille avec votre enfant pour choisir une compulsion à laquelle vous allez vous « attaquer ». Ne fixez pas des objectifs trop élevés, cela risquerait de décourager votre enfant. Votre objectif n’est pas forcément de supprimer définitivement un rituel (surtout s’il est complexe et ancré dans la vie de l’enfant depuis longtemps), mais de l’assouplir : faire une compulsion une fois de moins, résister 5 min avant de réaliser un geste ou alors diminuer le nombre de fois où vous faites à sa place.
3. Vérifier si l’exercice est faisable. Demandez à votre enfant : « Est-ce que ça te semble faisable ? Est-ce que tu t’en sens capable ? Comment puis-je faire pour t’aider à résister à la compulsion? ». Son implication personnelle est cruciale : c’est lui l’acteur de son changement ! Que l’enfant ajuste lui-même l’objectif s’il lui paraît trop difficile, n’imposez pas votre avis. Il est important de prévenir votre enfant des risques de montées d’anxiété.
4. Observer l’anxiété. Proposez à l’enfant de faire un tableau de progression : sur une échelle de 1 à 10, quelle était son anxiété au début de l’exercice ? Et 20 secondes plus tard ? L’exercice s’arrête lorsque l’anxiété diminue à moitié. Par exemple, si votre enfant a choisi une situation avec le niveau d’anxiété initiale à 6, il va attendre qu’elle baisse à 3. Attention on ne prendra pas de situation ou l’anxiété de départ est supérieur à 7 car le risque c’est qu’elle augmente et on veut qu’elle reste à un niveau acceptable
5. Tester l’exercice choisi. Laissez l’enfant faire l’exercice une première fois pour voir s’il est réalisable. Il est toujours possible de diminuer le niveau des exigences si l’exercice paraît trop compliqué. Vous pouvez remettre l’exercice dans la liste à accomplir plus tard et choisir pour aujourd’hui une situation moins anxiogène. Rappelez-vous et rappelez à votre enfant que le trouble est fluctuant, qu’il y a des moments où c’est plus difficile que d’autres.
6. Surveiller les compulsions et les évitements. Pour que l’enfant arrive à sentir une baisse naturelle de l’anxiété la fin de l’exercice, il est important de veiller à ce qu’il ne fasse pas ses compulsions ou des choses qui détournent son attention de l’exercice (chanter, lire) : cela fonctionnerait comme un évitement. Souvenez-vous : pour expérimenter le phénomène d’habituation votre enfant doit pleinement se confronter à l’anxiété. Proposez-vous en tant que personne de confiance pour observer l’exercice. Ne grondez pas votre enfant s’il a réalisé une compulsion pendant l’exercice. Réfléchissez ensemble à comment prévenir cela la prochaine fois !
7. Répéter. Il est crucial de pouvoir refaire plusieurs fois le même exercice d’exposition pour que l’enfant s’habitue à la situation. Grâce à un tableau de progression, ou en notant ces exercices dans un carnet, il va sûrement s’apercevoir qu’avec le temps et les répétitions le niveau initial d’anxiété devient de plus en plus faible, et qu’elle descend de plus en plus vite.
8. Favoriser la motivation. Les compulsions ne vont pas diminuer du jour au lendemain, donc il est important de maintenir la motivation de l’enfant à long terme. Chaque exercice réussi, c’est une petite victoire contre le TOC !
9. Lutter contre les temps morts. Plus votre enfant s’ennuie ou n’a pas d’activité plus cela laissera du temps libre pour le TOC, essayer de planifier la journée et de la rythmer avec des activitées. cliquer ici
10. Féliciter votre enfant. C’est très courageux d’affronter sa peur. Montrez que vous voyez ses efforts et que vous êtes fier de lui. S’il n’a pas réussi à faire l’exercice, félicitez-le d’avoir fait l’effort d’essayer ! Avant de reprendre, rappelez-lui comment fonctionne l’anxiété, trouvez ensemble une stratégie pour prévenir les compulsions et les évitements et encouragez-le à reessayer quand il se sent prêt.
COMMENT ABORDER LES OBSESSIONS ?
# Une obsession, c’est juste une pensée. Ces pensées ne sont que des pensées. Ne cherchez pas à faire des interprétations sur une signification que révélerait ces obsessions. Il n’y a rien à comprendre sur la thématique en elle-même. Il nous arrive à tous d’avoir des pensées inhabituelles, excessives ou saugrenues. Elles ne signifient pas que l’enfant a de mauvaises intentions, elles révèlent juste que l’enfant a un TOC. Ces pensées sont comme des parasites dont l’enfant n’est pas responsable.
# Ce ne sont pas des pensées magiques. Certains enfants ont peur que leurs pensées se réalisent. Ce n’est pas parce qu’on imagine très fort quelque chose que cela va se produire (J’essaie pourtant de penser très fort que je suis milliardaire, en vain !).
# On ne peut pas résister aux pensées… Les pensées viennent et partent comme bon leur chante. Il est difficile d’éviter de penser à quelque chose volontairement ! Faites un petit test chacun à votre tour. La consigne : interdiction de penser à un ours polaire pendant 3 minutes. A chaque fois que vous y pensez, levez la main. Vous allez remarquer qu’en voulant vous empêcher de penser à quelque chose, cela se met au contraire dans votre esprit.
# …Mais votre enfant est le maître de ce qui se passe dans sa tête ! Proposez à l’enfant d’inventer un petit personnage du TOC pour mettre à distance ces pensées et dédramatiser. Imaginez qu’on lui met du scotch sur la bouche, qu’on l’enferme dans une boîte, qu’il a une voix de canard ou parle sur l’air de joyeux anniversaire, pour donner moins d’impact à ces pensées.
# Le doute fait partie de la vie. Le TOC est souvent construit autour de quelque chose de réel. Effectivement, les microbes, les maladies et des catastrophes sont présents dans nos vies. Il peut être dangereux de rentrer dans des discussions sur la probabilité ou sur la réalité de ces peurs il faut aussi accepter que l’on ne peut pas tout contrôler. Dans la vie réelle, on ne peut garantir quelque chose à 100%, il y a très souvent un doute à tolérer.
# On peut penser différemment. Prenez l’exemple du copain de votre enfant qui n’a pas forcément besoin de vérifier autant ou de se laver les mains après avoir touché une poignée de porte à l’intérieur de la maison. Lui est-il arrivé quelque chose de grave ?
# Quelle est la probabilité que l’événement redouté arrive ? Si votre enfant croit qu’il y a une grande chance que l’événement se réalise, proposez-lui un petit calcul de probabilité. Multipliez l’âge de l’enfant par 365, et vous voilà avec le nombre de jours vécus depuis sa naissance. Combien de fois sur tous ces jours-là l’événement est-il réellement arrivé ?
Bien évidemment, les professionnels de la santé mentale (pédopsychiatres, psychologues) sont là pour vous aider et répondre à vos questions. N’hésitez pas à les contacter par téléphone ou mail ou à prendre RDV. Nous vous conseillons de maintenir les suivis thérapeutiques. Il est également possible si besoin d’amorcer ou de reprendre un suivi pour votre enfant.
Liens utiles :
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