Repérage et prévention de l’anorexie mentale chez l’enfant

L’ANOREXIE MENTALE, QU’EST-CE QUE C’EST ?

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire avec un retentissement sur la santé pouvant être majeur.

Les enfants souffrant d’anorexie mentale présentent :

1) Des difficultés à maintenir un poids suffisant pour leur âge et leur taille car ils mettent en place des comportements visant à maigrir ou à ne pas prendre de poids (manger moins, éviter certains aliments, se dépenser de façon excessive…)

2) Une peur intense de grossir, qui vient occuper toute la place dans leurs pensées

3) Une perturbation de leur image corporelle : ils peuvent se voir très gros alors qu’ils ne le sont pas, porter une attention exagérée à certaines parties de leur corps (par ex : le ventre, les cuisses)

C’est un trouble qui peut toucher les filles ET les garçons, quel que soit le milieu dans lequel ils évoluent. Les premiers symptômes peuvent apparaître dès 6-7 ans.

C’est une maladie d’origine multifactorielle.

REPERER UN ENFANT AYANT UNE ANOREXIE MENTALE

Si la confirmation du diagnostic nécessite une évaluation médicale, certains signes chez l’enfant peuvent faire questionner la présence d’une anorexie mentale :

DANS SON RAPPORT AU CORPS

  • Perd visiblement du poids
  • Fait des malaises, a souvent la tête qui tourne
  • Exprime des plaintes sur son corps ou des parties de son corps qu’il/elle trouve trop gros, se compare à ses camarades
  • Présente une pratique sportive intensive : fait du sport dans sa chambre de manière excessive et quotidienne, utilise des prétextes pour se lever fréquemment en classe, court seul jusqu’à s’épuiser en récréation, monte de façon répétée des marches d’escalier, continue de charger inutilement son cartable malgré des rappels de l’adulte, s’assoie sur le rebord de sa chaise et adopte une posture gainée, réalise des mouvements non nécessaires comme des balancements de jambe en continu, demande fréquemment à sortir de la classe ou de table pour faire des allers-retours aux toilettes, reste debout le plus possible
  • Refuse de participer aux cours de natation
  • Porte des vêtements amples pour cacher son corps ou au contraire porte des vêtements moulants qui exposent sa maigreur
  • S’expose au froid en refusant de porter son manteau ou en portant des vêtements trop courts, inadaptés à la saison (dans le but de perdre plus de calories) ou en coupant le chauffage dans sa chambre

 

DANS SON RAPPORT A L’ALIMENTATION

  • Ses camarades rapportent qu’il/elle ne mange rien à la cantine depuis plusieurs jours ou mange toujours la même chose. Il picore à table et /ou saute des repas
  • Ne participe pas aux goûters en classe, refuse les bonbons et les sucreries
  • Tient très fréquemment des propos qu’il n’est pas possible de remettre en question autour de l’alimentation ou met en garde sur les aliments « gras » ou trop « riches », est hyper-focalisé sur l’amélioration de ses performances, sur son poids
  • Ne boit pas suffisamment
  • Rapporte des maux de ventre chroniques ou d’autres plaintes douloureuses notamment après les repas.

 

EN SITUATION D’APPRENTISSAGE

  • Son attitude ou ses performances scolaires ont changé
  • Présente des exigences marquées/excessives sur ses performances scolaires
  • Est fatigué(e)
  • Semble ralenti
  • A du mal à se concentrer, à écouter, semble perdu dans ses pensées

=> Certains enfants souffrant d’anorexie peuvent maintenir longtemps de bons niveaux de performances académiques et même parfois s’investir de façon intensive dans le travail scolaire. Cela est en lien avec un tempérament perfectionniste. Cependant, petit à petit, avec la dénutrition, le corps fonctionne en mode « économie d’énergie » et apparaissent alors des difficultés de concentration, un épuisement.

 

DANS SES RELATIONS AUX AUTRES

  • S’isole, reste seul en récréation, ne veut pas inviter ou être invité
  • Participe moins aux conversations, aux activités avec ses amis

 

DANS SES MANIFESTATIONS EMOTIONNELLES

  • Semble triste
  • Manifeste de l’anxiété, par exemple en lien avec le travail scolaire
  • Est plus irritable
  • Se dévalorise

=> Le perfectionnisme et l’obsession pour les bonnes notes peuvent entraîner une anxiété, une insatisfaction qui retentissent sur l’estime de soi et le moral de l’enfant.

 


Tous ces éléments isolés ou non doivent alerter lorsqu’ils se reproduisent régulièrement pendant plus de deux semaines.

Ils justifient de prévenir les parents de l’enfant et de les orienter vers leur médecin traitant. Le médecin scolaire peut également être un interlocuteur privilégié dans pareil cas.

Un malaise, un arrêt complet de l’alimentation et de l’hydratation justifie d’alerter immédiatement et l’enfant doit consulter un professionnel de santé sans attendre.

PREVENTION

Des messages éducatifs de non-jugement, d’acceptation de la diversité et d’approche positive du corps peuvent être abordés en famille, en cours de sport, en cours d’éducation civique, en cours de sciences par exemple, afin d’encourager bienveillance, tolérance et acceptation de soi et de prévenir le harcèlement et les moqueries. Certains enfants traversant un épisode d’anorexie mentale étaient auparavant en surpoids ou obèses. Beaucoup avaient souffert de moqueries.

Vous pouvez également lire: Comment prévenir le harcèlement scolaire lorsqu’on est parent

La prise en charge des symptômes de stress ou de détresse psychologique des enfants est également importante. En effet, sans prise en charge, certains peuvent développer secondairement une anorexie mentale ou d’autres maladies psychiatriques.

Pour savoir comment repérer des symptômes de stress chez l’enfant, vous pouvez également lire :

Pour les parents

Pour les enseignants et les professionnels de l’éducation nationale 

Les pièges à éviter

La mauvaise compréhension des campagnes de prévention de l’obésité

Si les messages de prévention du surpoids et de l’obésité sont justifiés, il est nécessaire d’être vigilant sur la manière de présenter ces messages et sur la population qui va les recevoir. Certains enfants anxieux ou très soucieux de respecter les règles peuvent les appliquer de façon excessive.

Par exemple : « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas » peut faire croire à certains enfants que « c’est mal de prendre un goûter » alors que les enfants ont besoin de 4 repas par jour ! ou encore « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » peut être compris comme une interdiction de consommer du beurre, de la crème, de l’huile, du sucre, des bonbons, des gâteaux, des chips, des biscuits apéritifs… ce qui n’est pas le but du message !

Cela peut alors favoriser le développement d’un trouble des conduites alimentaires.

La stigmatisation des personnes avec un surpoids ou une obésité peut également contribuer au développement d’un trouble des conduites alimentaires chez certains enfants qu’ils soient ou non en surpoids.

Une alimentation adaptée doit être diversifiée, répondre aux besoins nutritionnels de l’enfant mais aussi remplir une fonction sociale et de plaisir. Les messages de santé publique ne doivent pas cibler le poids mais le bien-être physique, mental et social de l’enfant.

Les comparaisons de poids en sport

De même les comparaisons de poids entre enfants (a fortiori entre enfants de tailles différentes), les remarques sur la silhouette, ou sur la taille peuvent focaliser les préoccupations de l’enfant sur son corps et favoriser le développement de troubles.

Les enfants n’ont pas tous la même morphologie et ne débutent pas tous leur puberté au même âge.

Le regard sur la santé mentale

Lorsqu’un enfant présente ou est suspecté de traverser un épisode d’anorexie mentale, les réactions de ses camarades peuvent varier. Certaines rumeurs conduisent parfois à isoler davantage l’élève et peuvent majorer ses difficultés. Il est nécessaire de les prendre en compte et d’agir face à ces rumeurs.

Elles reflètent parfois la mauvaise compréhension des maladies psychiatriques ou les craintes des autres enfants et renforcent la stigmatisation. Il est nécessaire de démystifier la maladie en donnant aux enfants une information appropriée à leur âge. Il peut être utile pour un enseignant de travailler directement avec l’enfant ou le groupe d’enfant qui initie/perpétue la rumeur en leur rappelant le caractère confidentiel et personnel d’un diagnostic médical.

Les élèves peuvent être responsabilisés sans être culpabilisés “Pourrais-tu m’aider à stopper les rumeurs sur XX en étant vigilant auprès de tes camarades…”

Des inquiétudes pour un enfant ?

Souvent, même devant des difficultés marquées, l’enfant insiste pour dire qu’il va bien : un des symptômes de l’anorexie est la difficulté à reconnaître la présence ou la sévérité de la maladie. La dénutrition peut avoir des conséquences au niveau cérébral et rendre difficile la perception de ses propres difficultés. Il est important que les adultes qui suspectent une anorexie mentale chez un enfant fassent part de leurs inquiétudes aux parents.

Les enfants ayant un surpoids ou une obésité doivent également pouvoir bénéficier d’un accompagnement par des professionnels de santé.

En tant que parents, il est important de consulter un médecin pour son enfant au moindre doute et d’avoir un suivi biannuel préventif de la santé de leur enfant auprès du médecin traitant.

 


L’anorexie mentale de l’enfant est une maladie grave. Le repérage précoce est essentiel, il améliore le pronostic. Les grands enfants consultent moins souvent leur médecin traitant que les plus jeunes. Les enseignants et les autres professionnels travaillant avec les enfants sont donc des maillons clés du repérage de cette pathologie, aux côtés des parents et des proches. Ils peuvent également être des acteurs de prévention en prônant des messages de tolérance et en luttant contre le harcèlement.

 

Pour en avoir plus :

https://www.clepsy.fr/ressources-pour-les-parents-ayant-un-enfant-souffrant-d-une-anorexie-mentale-a-debut-precoce/

https://www.clepsy.fr/publications-scientifiques/anorexie-mentale-pre-pubere-os-et-croissance/

https://www.clepsy.fr/comment-vivre-avec-une-s-ur-ou-un-frere-qui-souffre-d-une-anorexie-mentale/


Références

Auteurs

clepsy


Rédigé par Dr Anaël Ayrolles (psychiatre), Mme Hélène Poncet-Kalifa (psychologue) et Dr Coline Stordeur (pédopsychiatre) - Centre de Référence Maladie Rare Anorexie Mentale à début précoce – Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent – Centre d’excellence des troubles du neurodéveloppement, Hôpital Robert Debré, Paris, France

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