Ressources à destination des enseignants et des professionnels de l’Education Nationale
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Vous connaissez très bien vos élèves
# Après plusieurs mois passés avec vos élèves, vous avez développé une connaissance fine du fonctionnement habituel de chacun d’eux. Vous savez aussi quelles sont leurs compétences et leurs fragilités dans les apprentissages. Ce sont des ressources très précieuses sur lesquelles vous allez pouvoir vous appuyer.
# Si vous avez face à vous des élèves que vous rencontrez pour la première fois ou que vous connaissez peu, c’est la même chose mais c’est un peu plus délicat. Appuyez-vous sur votre expérience d’enseignant. Ce n’est pas votre première rentrée des classes, quelle chance (au moins la deuxième !)
# Échanger avec ses collègues même par téléphone est un moyen solide de confirmer ses doutes et ses inquiétudes concernant un élève.
Activez votre « radar »
# Le point de vigilance principal porte sur des changements dans le comportement de votre élève par rapport à sa façon d’être habituelle.
# Vous constaterez peut-être un changement du tout au tout (un élève joyeux qui devient mutique et isolé) mais il est aussi possible que vous remarquiez que quelques petites « fragilités » se sont amplifiées (cet enfant pour lequel les « au revoir » du matin étaient un peu difficiles se montre à présent désespéré et inconsolable).
Qu’observer ?
# Durant les apprentissages
- Les plus jeunes peuvent exprimer leur compréhension de l’épidémie et leurs préoccupations dans leurs jeux, et ce de manière répétitive. Leur stress peut se manifester par une plus grande agitation et des difficultés de concentration.
- Chez les plus grands, certains peuvent sembler avoir perdu tout intérêt pour ce qu’il se passe en classe, ils participent moins, sont passifs, semblent ailleurs. Ou au contraire, la tension qu’ils ressentent peut transparaître au travers d’une tendance à intervenir en permanence, à bouger de façon excessive.
# Dans leur rapport aux règles de l’école
- Majoration des comportements de transgression, de désobéissance, d’opposition, de provocation, de défiance face à l’autorité seront en lien avec le mal-être qu’ils ressentent.
- Certains enfants au contraire paraitront très soumis : ressentiront une peur intense de mal faire, exprimeront la crainte d’être responsable de la mort d’autrui s’ils dérogent à ces règles involontairement.
# Dans le discours des enfants
- Pour les plus jeunes : on pourra être vigilant quant à l’apparition ou l’augmentation de difficultés d’élocution.
- Pour les primaires : certains enfants vous solliciteront par des questionnements répétitifs, semblant tourner en boucle autour des mêmes préoccupations et cela malgré les réponses que vous leur aurez apportées.
- Les adolescents plus âgés : peuvent nier leurs réactions envers eux-mêmes et leurs parents. Ils peuvent répondre par un « je vais bien » laconique, de routine ou même par le silence lorsqu’ils sont bouleversés. On pourra être vigilant si on constate des difficultés à suivre une conversation (difficile d’écouter et de répondre à propos lorsque les inquiétudes occupent notre esprit…).
# Dans leur expression corporelle
- Le stress, le mal-être ont souvent un retentissement sur le sommeil (enfant fatigué, cauchemars) et sur l’alimentation (baisse de l’appétit ou envie de grignoter en permanence).
- Un visage triste, neutre (sans expression émotionnelle) ou tendu, crispé sont des signes que vous avez l’habitude de relever quand un élève ne va pas bien.
- Certains comportements peuvent être l’expression de l’anxiété ressentie par l’enfant : besoin excessif et répétitif d’aller aux toilettes, maux de ventre, de tête, tics (l’enfant cligne des yeux, hausse l’épaule, grimace, tourne la tête… involontairement et de manière répétée…).
# Dans leur capacité d’expression des émotions
- Vous pourrez observer tristesse ou peur
- Également certains enfants pourront sembler « à fleur de peau », extrêmement sensibles (pouvant fondre en larmes pour « un tout petit quelque chose ») et/ou irritables. La labilité émotionnelle (aller d’une émotion à l’autre très rapidement) est aussi un signe à prendre en compte.
# Dans leur capacité d’autonomie
- Chez les plus jeunes : dans les situations stressantes, ils risquent de régresser dans leurs acquis : énurésie (uriner dans ses vêtements), sucer son pouce, besoin de sa tétine ou de son doudou. Demandes intempestives pour réclamer votre assistance, bien plus qu’avant la crise.
- Chez les 6 et 12 ans, on pourra observer également une diminution de l’autonomie dans les choses qu’ils réalisent habituellement en classe.
- Chez les plus grands, certains adolescents auront besoin d’être plus encadrés : devoirs non notés, oublis ou pertes d’affaires, mise au travail retardée.…
# Dans leur relation aux autres (enfants ou adultes)
- A tout âge : remarquer la recherche excessive de la présence ou de l’attention de l’adulte ; une tendance à s’isoler, à se replier sur soi ; à des comportements d’agressivité envers les pairs ou d’automutilation (morsures, griffures, scarification).
- Chez les enfants de moins de 6 ans, on pourra observer une grande détresse lors des moments de séparation d’avec les parents et un temps plus long pour s’apaiser. En effet, ces enfants vont chercher à se rassurer en restant auprès des personnes avec lesquelles ils se sentent en sécurité. Ainsi, durant la journée, ces enfants pourront rester en permanence tout près de vous (alors que l’on vous recommande le respect d’une « distance sociale » … Ce n’est pas simple !). Ils pourront aussi vous solliciter davantage.
- Chez les plus grands (entre 6 et 19 ans), certains enfants, pour se rassurer, viendront souvent vous voir, vous parler, vous poser des questions de façon répétitive. Avec leurs pairs, vous constaterez peut-être une augmentation des conflits. Certains enfants se montreront réticents à aller à l’école ou vous feront part de craintes excessives concernant la disparition des parents ou la possibilité qu’un malheur puisse leur arriver.
Posez-vous aussi la question de la maltraitance, notamment devant l’absence d’explication pour une blessure, une explication qui n’est pas compatible avec la blessure, une explication qui change avec le temps, à fortiori chez un enfant chez qui vous avez remarqué des signes de mal-être.
Prendre le temps d’observer
Tous les enfants sont chamboulés. Il faudra un peu de temps pour reprendre ses marques. Ainsi, il est possible que de nombreux enfants présentent quelques- uns de ces signes d’alerte le premier jour ou les premiers jours.
Je mesure l’intensité/la fréquence, l’évolution, le retentissement
Critère 1 – intensité/fréquence : Est-ce que j’observe beaucoup de ces « clignotants » chez cet enfant ? Est-ce que je les observe de nombreuses fois au cours de la journée ?
Critère 2 – évolution : Et comment cela évolue-t-il ? Y-en-a-t-il de plus en plus ou de moins en moins à mesure que les jours d’école se succèdent ?
Critère 3 – retentissement : Et enfin, quel est le retentissement de ces difficultés sur le quotidien de mon élève, sur sa disponibilité pour les apprentissages, sur ses relations aux autres ? Le non-respect des règles conduit-il à de nombreuses remontrances ? Ai-je le sentiment que cela devient ingérable ?
A l’aide des petites réglettes ci-dessous, vous pouvez essayer de quantifier ces différents critères :
Je fais le total des scores et je réagis.
Vous pouvez additionner les chiffres obtenus pour chacun des critères afin de déterminer si les difficultés vécues par votre élève se situent plutôt dans le « vert », dans le « orange » ou dans le « rouge ».
# Si VERT :
Pour le moment, les signes de mal-être que j’ai perçu sont légers et diminuent spontanément. Je reste attentif pour voir comment cela évolue, je peux mettre en place des activités préventives comme une routine de relaxation.
# Si ORANGE :
- J’en parle autour de moi, à mes collègues qui connaissent l’enfant (c’est particulièrement utile si cet élève n’a jamais été dans votre classe).
- J’en parle avec les parents de cet élève sans trop attendre (au téléphone, en visio, ou en présentiel).
- J’en parle à la psychologue scolaire qui peut venir l’observer en classe ou le rencontrer si besoin et avec l’accord des parents.
- Je fais part de mes préoccupations à l’enfant.
- Je rassure l’élève en lui rappelant que les adultes sont là pour l’aider, je reste très vigilant.
- Je peux éventuellement m’autoriser quelques conseils pratiques comme par exemple une technique de respiration ou de relaxation, si je connais ses approches.
- J’évoque la situation avec ma hiérarchie.
Si ROUGE :
- Même stratégie que Orange avec un caractère plus urgent
- En particulier, j’alerte rapidement les parents, je les encourage à consulter un professionnel de santé (médecin généraliste ou pédiatre) pour leur enfant, pour une orientation dans le dispositif de prise en charge dont il connaît l’organisation.
- Je rassure l’élève en lui rappelant que les adultes sont là pour l’aider, je reste extrêmement vigilant.
- J’évoque la situation avec ma hiérarchie.
# Ne pas s’affoler et adresser les enfants comme vous en avez l’habitude : psychologue scolaire, infirmière scolaire, médecin scolaire, assistante sociale scolaire, médecin traitant, pédiatre, psychologue, pédopsychiatre, centre médico psychologique.
# Concernant la maltraitance, le protocole mis en place par l’éducation national reste adapté même actuellement.
Pour aller plus loin : les situations cliniques les plus fréquemment rencontrées
# Mon élève a peur de se séparer de ses parents.
Cet élève pleurait le matin ou avait mal au ventre. Il n’a jamais aimé se séparer de ses parents ou de ses frères et sœurs. Mais là, … c’est pire !
# Mon élève a peur de ne plus réussir à l’école
Cet élève est souvent très inquiet de ses résultats scolaires. Il a peur de l’échec en permanence et ce sentiment s’est majoré.
#Mon élève ne supporte pas qu’on parle de certains sujets
Il se met en colère, coupe la parole, proteste, exige qu’on change de sujet, se bouche les oreilles… Il s’agit d’une tentative d’évitement. L’enfant a été marqué par un évènement et essaie de toutes ses forces de ne pas y penser pour éviter de se sentir mal.
# Mon élève n’est plus comme avant. Il est triste.
Il est beaucoup plus souvent triste que d’habitude, il n’a plus envie de jouer comme avant. Il paraît un peu fatigué, a des idées négatives sur lui, dit souvent qu’il est nul… Il paraît moins énergique qu’auparavant. Il vous est même arrivé de le voir pleurer pour des choses insignifiantes, et qui ne l’auraient pas fait pleurer auparavant.
# Mon élève fait beaucoup de cauchemars et paraît absent, lointain, détaché.
Il dort mal (cauchemars), il est fatigué. Il sursaute au moindre bruit. Plus rien de l’intéresse. Il ne se comporte vraiment pas comme d’habitude. Il paraît détaché des choses qu’il aimait avant.
# Mon élève est craintif et semble terrifié si je hausse un peu le ton
La vigilance pour repérer les situations de maltraitance doit être importante. En plus de tous les signes d’alerte précédemment cités, les enfants peuvent avoir une apparence craintive (même si le plus souvent, ils sont soudainement violents, opposants, agressifs)