Anatomie et physiologie du stress aiguë et chronique

Catherine Verney*, Tania Vitalis et Pierre Gressens, UMR 1141 Inserm – FHU I2D2 & Centre D’excellence des Troubles du Neurodeveloppement, Hôpital Robert Debré – Paris 

*Chargée de recherche Inserm – retraitée – Présidente du Conseil Scientifique de l’Association Ensemble pour l’Education de la Petite Enfance

 

Quand je stresse, j’ai peur… Quels sont mes comportements ?

1. Fuir ou Affronter ?

 

# Les expériences menées chez l’animal nous montrent :

 

 

# Les expériences menées chez l’être humain nous montrent (figure 1) :

 

  • Une situation inattendue survient (pas forcément stressante ou périlleuse d’ailleurs ; ex : je vois un serpent qui peut-être n’est pas venimeux), j’ai peur et une action rapide est nécessaire pour que je m’extrais de cette situation dangereuse ou d’inconfort. 
  • Deux solutions sont possibles sans que j’aie vraiment à réfléchir : je fuis ou j’affronte la situation qui me stress et je m’y confronte. 
  • Les deux possibilités ont leurs avantages en fonction du type de danger mais, ai-je vraiment le temps de réfléchir ? Dans les deux cas l’expérience se termine et je suis soulagé. Je peux même me sentir « récompensé » d’avoir échappé à cette situation.

 

Figure 1:

 

 

 

  1. Quand je ne peux ni fuir ni affronter : que se passe-t-il ? Expériences de stress lors d’un enfermement

 

# les expériences menées chez l’animal nous montrent :

 

  • Le rat est seul dans son compartiment avec la porte de communication fermée. 
  • Un son précède des décharges électriques : 10 min/jour pendant huit jours 
  • Il subit sans pouvoir fuir.

 

Il dépérit, reste prostré, ne mange plus….

Il a été profondément stressé et se laisse mourrir

 

# les expériences menées chez l’être humain nous montrent (figure 2) :

 

  • Une situation de stress se présente à moi mais dans ce cas je n’ai pas le choix, je ne peux ni fuir, ni combattre. Si c’est la première fois que ça m’arrive, cette situation me « sidère » un peu… ouf, elle est passée, je m’en remets, je trouve une solution et je m’en souviendrais, je la mémoriserais, comme une situation émotionnellement stressante.
  • Si le stimulus stressant est trop fort et/ou long comme en temps de guerre/attentat /confinement strict, la sidération s’installe et je suis traumatisé
  • Si cette situation stressante se reproduit de nombreuses fois, je ne peux et ne sais pas quoi faire, je me sens harcelé. Je suis en permanence sur le qui-vive, stressé. Je deviens anxieux.
  • Pour oublier cette situation et ce mal-être, je peux° Développer une addiction. J’essaie de m’évader en prenant des substances qui me font m’évader. Cette sensation de « récompense » peut se répéter sans cesse et cela risque de me conduire vers une addiction sans même que je m’en rende compte. 

    ° Me déprimer. Peut-être ai-je la sensation qu’une aide serait bienvenue mais à qui demander ? Je ne veux pas rajouter de stress à celui que j’ai déjà alors, je garde tout « pour moi », me referme sur moi-même et je peux même déprimer.

 

Figure 2:

 

 

 

Que se passe-t-il dans mon corps et mon cerveau pendant que je vis ces expériences de peur et de stress ?

1. Aperçu du fonctionnement du cerveau dans des conditions normales (Figures 3 & 4)

 

C’est vertigineux et infiniment complexe : un cerveau humain a environ 80 000 milliards de neurones et environ 170 000km d’axones en réseaux…

 

Figure 3 A : Très schématiquement nous avons 3 « cerveaux », qui sont extrêmement interconnectés, fonctionnent en réseaux où chaque région peut avoir de multiples fonctions. Et le fonctionnement de ces réseaux en « hubs » est dépendant des gènes et de l’environnement.

 

Figure 3 B : Les émotions comme la peur/le stress sont traitées essentiellement par mon « cerveau  limbique » [le cerveau des émotions] qui fait intervenir le « cerveau endocrinien »  [des molécules circulent entre le corps et le cerveau (hormones, neurotransmetteurs, cytokines…) et permettent de mieux réagir au stress], le circuit de la peur [l’amygdale permet une reconnaissance rapide des signaux extérieurs de stress]. Ce « cerveau limbique » est en résonnance avec les zones cérébrales impliquées dans la mémoire de nos expériences précédentes [réseaux de mémoires avec l’hippocampe en particulier].

 

Figure 3A:

Figure 3B:

 

Figure 4 A : Un stimulus extérieur est véhiculé par les organes sensoriels, jusqu’au thalamus sensoriel, puis aux aires sensorielles primaires ce qui produit chez moi la mobilisation de nombreux circuits cérébraux. Cela me permet de comparer ces informations avec celles que j’ai déjà vécues -stockées dans mes mémoires – (hippocampe, cortex, amygdale…). J’élabore ainsi une action avec la stimulation de mon système moteur (tronc cérébral, thalamus et cortex moteur).

Figure 4 B: L’information apportée par nos sens aux aires sensorielles primaires est aussi transmise directement à l’amygdale, plaque tournante de nos émotions/peurs…Son évaluation s’effectue en fonction de notre expérience vécue antérieure via l’hippocampe et les réseaux des mémoires. Notre attention et intention mobilisent différents « hub » (nœuds de réseaux) dont le cortex préfrontal (centre final du choix entre raisonnement et émotion).

 

 

Figure 4A:

Figure 4B:

 

 

2. Comment réagit mon cerveau dans une situation de stress ? (Figure 5)

 

Lors d’un stress, c’est d’abord le corps qui réagit et les régulations du système de autonome parasympathique -le nerf vague- tentent de mettre fin à la trop grande dépense d’énergie (battement du cœur, transpiration…). Auxquelles  sont associés des réactions immunitaires fragilisées … ainsi que des réactions hormonales endocriniennes dans les régulations corps-cerveaux.

 

Figure 5:

  1. Ça ne va plus… Alerte !!! (tronc cérébral, noradrénaline-Locus coeruleus-)
  2. Je transpire, j’ai chaud, mon cœur bat vite…. Dérégulation  du  système végétatif sympathique adrénergique : libération d’hormones circulant dans le sang entre le corps et le cerveau (adrénaline, Adréno-Cortico-Trophic Hormone (ACTH), augmentation du cortisol…)
  3. Que va-t-il se passer ?  j’ai peur… Activation du circuit de la peur (amygdale). Je vais mémoriser d’autant plus fortement cette expérience que la charge émotionnelle qui lui est associée est forte !
  4. Si j’ai déjà vécu une telle expérience, activation des réseaux de mémoires (hippocampe… et renforcement de la mémoire liée à l’expérience)
  5. En fonction du stress et de mon vécu, j’adapte mon comportement

 

3. Ce qui change dans mon cerveau lors d’un stress aigu ou chronique (Figure 6)

 

Nos sens nous renseignent sur un danger via le thalamus et les cortex sensoriels primaires. Les connexions directes de l’amygdale (centre de le peur) au cortex informent la perception et la mémoire d’une situation dangereuse. Ces connexions associées à d’autres dans le cerveau peuvent déclencher des réactions physiologiques de la peur par rétro-action (boucles) entre le corps et le cerveau difficiles à gérer.

 

 

Figure 6 A : Situation de Stress Chronique

Si le stress n’est pas trop intense, le dialogue entre les cortex sensoriels, l’amygdale et les mémoires de ce que je connais concluent « il n’est pas menaçant », il n’y a pas lieu de s’inquiéter, j’adapte mon comportement à la situation par mon attention et intention (cortex préfrontal)…

Si le stress se répète, je suis harcelé, le circuit long est sans cesse stimulé et il se renforce. Je mémorise ce stress (voir flèches rouges).

 

Figure 6 B : Situation de Stress aigu

Si le stress est très intense et court, je suis stupéfié, le centre de la peur l’amygdale est trop stimulé et s’hypertrophie. L’amygdale devient le centre de la mémoire traumatique. Le circuit court fonctionne à plein régime alors que le circuit long fonctionne à bas bruit.

Je n’arrive pas à voir clairement la situation car mes sens, mon environnement me ramène continuellement à au traumatisme qui obsède mes pensées.

Ma capacité d’analyse de la situation par mon cortex préfrontal (raisonnement et émotion) est altérée.

Figure 6A:

Figure 6B:

 

 

4. Mon cerveau s’adapte : il recherche des sensations de satisfaction pour palier au stress : il active le circuit de la récompense (figure 7)

 

Figure 7 A : Le circuit de récompense (le circuit méso-limbique) fait partie de mon cerveau limbique

 

Figure 7 B : En réponse parfois à des stress, je recherche d’autres sensations de satisfaction qui font intervenir le réseau mésencéphale (Aire Tegmentale Ventrale) -noyau accumbens – cortex préfrontal ou boucle Méso-limbique. Avec le stress et l’anxiété, le circuit de récompense peut s’emballer (le système est hyperactif pour trouver des portes de sortie, des actions pour éviter le déplaisir)  … et cela  peut conduire à l’addiction.

 

 

Figure 7A:

Figure 7B:

 

 


Références

Auteurs

clepsy


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