La mauvaise prononciation chez l’enfant est un motif fréquent de questionnement chez les parents. Si la plupart du temps ces difficultés sont passagères et disparaissent avant l’entrée en CP, elles peuvent parfois persister et avoir un impact sur la communication de l’enfant, ses relations aux autres et ses apprentissages scolaires.
Quand on parle de prononciation, on parle de parole, qui est la capacité à former des sons. La parole est à distinguer du langage qui est la capacité à comprendre et utiliser des mots et des phrases pour communiquer.
Dans cette fiche pratique, nous proposons de répondre aux questions fréquentes que peuvent se poser les parents à ce sujet : Comment l’enfant apprend-il à bien prononcer ? Jusqu’à quel âge est-il « normal » pour l’enfant de « mal prononcer » ? Quand s’alerter ? Quand parle-t-on de trouble ? Quand et qui consulter ? Et surtout, que faire en tant que parents ?
Nous traiterons ici des troubles de l’articulation fréquemment rencontrés en orthophonie, que nous définirons et qui sont à distinguer :
- Des autres troubles de la parole, qui seront brièvement décrits à la fin.
- Du bégaiement, qui est un trouble de la fluence.
- Des troubles du langage, qui se caractérisent par des difficultés d’acquisition du vocabulaire et de la syntaxe chez l’enfant.
Pour une vision globale de la problématique, nous vous proposons ci-dessous un schéma résumant les grandes lignes du développement de la parole et de l’évaluation diagnostique des difficultés d’articulation. Ces grandes lignes sont ensuite détaillées dans le corps de la fiche.
Les grandes étapes de l’acquisition de la parole :
0 – 6 mois | 6 – 12 mois | 1 an | 1 – 3 ans | 3 ans et demi | 5 – 6 ans |
Pleurs, cris, vocalises | Babillages, intonations | Premiers mots | Premières phrases | Parole intelligible | Phonétisme complet |
En cas de difficultés de prononciation, consulter un spécialiste si …
3 – 4 ans | 4 – 5 ans | à partir de 5 ans |
Non intelligible pour la famille proche | Non intelligible pour d’autres personnes, ou peu pour la famille proche | Un son est toujours manquant ou remplacé ou déformé |
NB : il n’est jamais trop tard pour consulter. Même à l’âge adulte, une rééducation peut encore débuter et très bien fonctionner !
Objectifs de la consultation spécialisée
1- Diagnostiquer les troubles des sons de la parole
Troubles de l’articulation :
- Sons déformés
- Sons manquants
- Sons remplacés
Autres troubles de la parole :
- Trouble phonologique
- Dyspraxie verbale
- Anomalie anatomiques (frein de langue, problèmes dentaires, fente labié-palatine …)
2- Vérifier ou éliminer :
- Difficultés d’audition
- Difficultés de succion, déglutition, mastication …
- Mauvaises habitudes de succion (biberon, tétine, pouce …)
- Troubles du langage
- Autres troubles du développement
Que faire en tant que parents si votre enfant ne prononce pas bien les mots ? * Eviter de le faire répéter les mots mal prononcés * Répéter soi-même avec la bonne prononciation tout en continuant à communiquer * Assurer des entraînements à la maison une fois la prise en charge entamée selon les indications de l’orthophoniste |
A quel âge mon enfant apprend-il à bien prononcer ?
Les grandes étapes de l’acquisition de la parole :
– De 0 à 6 mois : Les premières capacités vocales et articulatoires du bébé correspondent aux pleurs et aux cris. Puis, rapidement, des vocalises apparaissent du type « a, eu ». Sur le plan de la perception des sons entendus, l’enfant distingue rapidement les sons propres à sa langue maternelle et cela bien avant de pouvoir les produire.
– De 6 à 12 mois : L’enfant babille, c’est-à-dire qu’il produit une succession de syllabes sans sens (ex : bababa). Les séquences de babillages se complexifient au fil du temps (patata, tokaba). A ces âges, l’enfant utilise l’intonation de sa langue maternelle.
– Vers 1 an : Les premiers mots (en dehors de « papa, mama ») apparaissent. Ils contiennent une à deux syllabes (ex : « to » pour manteau, « oufouf » pour les animaux). L’enfant imite aussi beaucoup les sons.
– Entre 1 et 3 ans : L’enfant augmente son répertoire de mots dans la limite des sons qu’il maîtrise. De nombreux mots sont encore déformés. Progressivement il pourra faire des phrases simples de deux mots (vers 2 ans), puis plus complexes avec trois mots (vers 3 ans). Deux années sont nécessaires entre les premiers mots et la parole intelligible. L’acquisition de l’ensemble des sons est en effet lente car elle requiert la maîtrise de gestes moteurs articulatoires complexes et elle nécessite la coordination de nombreux muscles au niveau de la sphère bucco-faciale (les muscles de la langue, les lèvres, les joues…).
– A 3 ans ½ : L’enfant est intelligible, même si tous les sons ne sont pas encore complètement maîtrisés à cet âge.
A quel âge mon enfant est-il censé maîtriser chaque son ?
Jusqu’à quel âge est-il encore normal que mon enfant « prononce mal » ?
L’enfant apprend à prononcer les sons progressivement. En cours d’apprentissage, il est normal qu’il lui manque encore certains sons ou que d’autres soient déformés. Il est généralement admis que vers 5-6 ans le phonétisme doit être complet (c’est-à-dire que tous les sons sont maîtrisés).
Des difficultés articulatoires peuvent donc être présentes précocement dans le développement de votre enfant mais n’être que passagères.
Pour plus de détails sur la production des sons de la parole, vous pouvez consulter cette fiche.
Quand consulter en orthophonie si mon enfant a des difficultés de prononciation ?
Quatre situations qui doivent vous pousser à consulter :
– Vers 3-4 ans : si votre enfant n’est pas intelligible (compréhensible) pour la famille proche.
– Vers 4-5 ans : si votre enfant n’est pas intelligible pour des personnes extérieures à la famille ou peu intelligible pour la famille proche.
– A partir de 5 ans : même si votre enfant est intelligible, si un son est toujours manquant et/ou remplacé par un autre (cf. paragraphe 3 ci-dessous). Un phonétisme incomplet pourrait gêner l’apprentissage de la lecture/orthographe. Par exemple, si un enfant n’a pas acquis le son « ch » et qu’il le remplace par « s » à l’oral, il risque de faire des confusions et d’écrire par exemple « sou » au lieu de « chou ». Il est donc important que le phonétisme soit complet quand l’enfant arrive au CP.
– A partir de 5 ans : si un son est déformé (cf. paragraphe 3 ci-dessous), même si cela a moins d’impact sur les apprentissages, une prise en charge orthophonique est possible. L’orthophoniste évaluera sa nécessité en fonction de la maturité de l’enfant et de sa motivation.
Important : Il n’est jamais trop tard pour consulter, même à l’âge adulte une rééducation peut encore débuter et très bien fonctionner !
Quand suspecter chez mon enfant un trouble de l’articulation ?
Attention : C’est l’évaluation orthophonique spécialisée qui pourra diagnostiquer un trouble de l’articulation et le diffencier des autres troubles de la parole.
C’est quoi le trouble de l’articulation ?
Le trouble de l’articulation (appelé aussi dyslalie) c’est la difficulté constante et persistante qu’a votre enfant à faire le mouvement nécessaire pour prononcer un son et qui résulte en une altération de ce son.
L’altération est présente que le son soit prononcé isolément, dans un mot seul ou dans une phrase, répété ou prononcé spontanément.
Le trouble de l’articulation touche le plus souvent la prononciation des consonnes (et rarement les voyelles).
Trois types d’altération possibles :
1- Le son est déformé, deux exemples courants sont :
- Le sigmatisme interdental dit « cheveu sur la langue » ou « zozotement », où les sons « s » et « z » sont déformés (comme dans « souris », « zèbre »). Vous pouvez vous référer à cette fiche pour plus de détails et des conseils de prise en charge.
Pour vous aider à comparer la prononciation de votre enfant, 2 enregistrements pour écouter à quoi ressemble un sigmatisme interdental :
- Le sigmatisme latéral dit « schlintement » où les sons « ch » et « j » sont déformés (comme dans « cochon », « je » ou « girafe »).
Pour vous aider à comparer la prononciation de votre enfant, un exemple pour écouter à quoi ressemble un sigmatisme latéral :
2- Le son est manquant
Par exemple le son « r » est absent et l’enfant dit « ato » pour « rateau », « tiwa » pour « tiroir ». Vous pouvez vous référer à cette fiche pour plus de détails et des conseils de prise en charge.
3- Le son est remplacé
Par exemple l’enfant remplace toujours les sons « ch » et « j » respectivement par « s » et « z ». Alors il dit «sa» pour « chat », et « zouet » pour « jouet ».
Peut-il s’agir d’un autre trouble de la parole ?
Comme indiqué au début de cette fiche, il existe d’autres troubles des sons de la parole qui peuvent également impacter l’intelligibilité de votre enfant avec une intensité variable. L’un des rôles de l’orthophoniste sera de distinguer ces différents troubles, sachant que l’enfant peut parfois présenter plusieurs troubles des sons de la parole de façon associée.
Trois autres troubles de la parole :
1- Le trouble de production phonologique
Contrairement au trouble de l’articulation, l’enfant est capable de prononcer correctement chaque son de manière isolée, mais il commet des erreurs quand il associe ces sons pour former des mots.
- En les inversant, ex : « aréoport » au lieu de « aéroport ».
- En omettant ou simplifiant des groupes de sons, ex : « mathétique » au lieu de « mathématique ».
- En substituant un son pour un autre, ex : « chacher » au lieu de « chasser » alors qu’il est tout à fait capable de prononcer le « s » de manière isolée.
2- La dyspraxie verbale
Parfois difficile à distinguer des autres troubles de la parole. C’est l’orthophoniste qui saura faire la différence. Il s’agit d’une difficulté à planifier/programmer les mouvements nécessaires pour prononcer un son, c’est-à-dire la manière dont le cerveau prépare le mouvement avant son exécution (alors que le trouble de l’articulation, comme nous l’avons vu plus haut, concerne la phase d’exécution). Concrètement, cela entraîne deux différences principales avec les troubles de l’articulation : une prononciation inconstante (les mêmes sons peuvent être parfois réussis, parfois échoués) et une altération plus fréquente des voyelles.
3- Les troubles de la parole liés à des anomalies anatomiques/structurelles
Frein de langue court, fente labio-palatine, problèmes orthodontiques…
Que faire en tant que parents si mon enfant présente un trouble de l’articulation ?
Que faire en attente d’une évaluation ou d’une prise en charge orthophonique ?
De façon générale :
- Éviter de faire répéter l’enfant qui prononce mal un mot. Cela coupe la communication et risque de créer une frustration chez l’enfant qui voudrait entrer dans un processus d’échange. Toujours donner la priorité à la communication !
- Le mieux est de prononcer après l’enfant ce qu’il aurait dû dire. Lui donner le bon modèle en lui montrant qu’on a compris, tout en restant dans le plaisir de communiquer. Ex : Si l’enfant dit « z’ai manzé un sokolat », lui répondre « Super, tu as mangé un chocolat. Est-ce que c’était bon ? ».
- Une visite médicale est toujours nécessaire pour vérifier :
- L’audition de l’enfant : en effet, des difficultés auditives peuvent empêcher la bonne acquisition des sons et donc leur bonne prononciation.
- La présence d’un éventuel frein de langue court ou autres anomalies anatomiques qui peuvent impacter la parole (problème dentaire, fente labio-palatine…).
- La présence éventuelle de difficultés de succion lors de l’allaitement ou du biberon, de déglutition, de mastication, ou la présence de bavage.
- Les habitudes de succion de l’enfant : tétine, biberon, pouce…
Et une fois l’évaluation faite ?
Une fois que l’orthophoniste aura évalué votre enfant, il ou elle vous fera une restitution précise de ses observations. La décision de débuter une prise en charge se fera avec l’orthophoniste selon plusieurs critères : le type de trouble, son impact (familial, social, scolaire), l’âge de l’enfant, le degré de motivation…
En cours de prise en charge, votre participation en tant que parents est très importante. En effet des entraînements à la maison seront nécessaires (selon les indications de l’orthophoniste) afin de renforcer le travail fait en séance et de favoriser la généralisation des acquis. Vous pouvez voir cette fiche et cette fiche (paraîtront bientôt) pour des conseils spécifiques.
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