Qu’appelle-t-on “rituel” de l’enfant ?
Les rituels se distinguent des routines par leur rigidité. Une routine, comme lire une histoire avant de dormir, est flexible et peut changer sans causer de problème à l’enfant. En revanche, un rituel nécessite une stricte répétition : l’histoire doit être racontée de la même manière chaque soir, sinon l’enfant peut ressentir de l’angoisse ou de la frustration. Tandis qu’une routine peut s’adapter ou varier, un rituel impose une régularité stricte, souvent chargée d’émotions, et tout écart peut provoquer une réaction intense chez l’enfant.
Est-ce que c’est rare ?
Ces comportements répétitifs commencent souvent à apparaître entre 1 et 2 ans. Ils atteignent habituellement un pic en termes de fréquence entre 2 et 4 ans, après quoi ils disparaissent progressivement jusqu’à 5 ou 6 ans, parfois un peu plus. Pendant cette période critique de 2 – 4 ans, plus de la moitié des enfants (~60%) présentent des rituels. Ces rituels peuvent donc être considérés comme une étape relativement normale du développement, sans que leur présence ou leur absence soit particulièrement inquiétante de prime abord.
Pourquoi les enfants ont des rituels ?
Les rituels sont supposés avoir une fonction d’adaptation à l’environnement. En répétant certaines actions, en insistant pour que certaines routines se déroulent comme il les attend, l’enfant apprend à maîtriser son environnement et développe également certaines capacités cognitives (telles que ses capacités d’organisation, d’autonomie, de lien entre les évènements etc…).
Ces rituels peuvent également être associés à la gestion émotionnelle et en particulier de gestion de l’anxiété. L’enfant peut présenter des sujets d’inquiétudes variés et normaux dans le développement : très jeune, dès 1 an, il peut craindre la nouveauté, l’inconnu, les personnes qu’il ne connaît pas, puis avec l’âge, des craintes plus spécifiques peuvent apparaitre (la peur du noir, la peur des fantômes, la peur de la maladie, la peur qu’il arrive quelque chose à ses parents etc…).
Les rituels sont parfois témoins de difficultés neuro-développementales précoces lorsqu’ils sont associés à un des 5 signes d’alerte (cf paragraphe plus bas) et doivent donc conduire à demander un avis à des professionnels de santé lorsque vous êtes inquiets.
Comment évoluent les rituels?
Chez la majorité des enfants, ces comportements répétitifs que sont les rituels ont tendance à disparaître progressivement pour n’être plus qu‘épisodiques voire absents après 5-6 ans. Si ces comportements persistent ou sont envahissants alors il peut être bénéfique de consulter tôt pour afin de dépister un trouble neurodéveloppemental ou un trouble anxieux éventuel.
Quels signes d’alerte indiquent que les rituels de mon enfant sont préoccupants et quand dois-je consulter ?
Plusieurs signes peuvent vous alerter concernant les rituels de votre enfant.
- Une augmentation de l’anxiété est souvent un premier indicateur. Cela peut se traduire par de l’agitation ou de la nervosité lorsque les rituels ne sont pas respectés, ainsi qu’un refus de s’adapter à de nouvelles situations ou un stress face à de petits changements.
- Des crises de colère fréquentes peuvent également survenir, surtout lorsqu’un rituel est perturbé. Si ces crises deviennent intenses et difficiles à calmer, c’est un signe que votre enfant a du mal à gérer ses émotions autrement qu’à travers ces comportements répétitifs.
- Une majoration de l’isolement social. Votre enfant pourrait éviter de jouer avec d’autres ou préférer des activités solitaires où il a le contrôle total, souvent pour éviter que ses rituels ne soient interrompus.
- Une rigidité croissante des rituels peut apparaître, avec l’ajout d’étapes de plus en plus complexes, indiquant que votre enfant a de plus en plus de mal à accepter le moindre changement dans sa routine.
- Un impact sur la vie quotidienne est un indicateur clé. Si les rituels commencent à ralentir ou perturber des moments importants comme se préparer pour l’école, dormir ou manger, ou s’ils créent des tensions au sein de la famille, cela signifie qu’il est temps de réfléchir à une intervention pour éviter que ces comportements ne deviennent trop envahissants.
Si vous remarquez la présence de l’un ou plusieurs de ces signes d’alerte, n’hésitez pas à consulter un professionnel.
Que faire à la maison quand mon enfant s’engage dans des rituels ne présentant pas de signes d’alerte ?
Interrompre un rituel peut déclencher des réactions émotionnelles fortes. L’objectif est donc de réagir de façon délicate et mesurée.
- Détourner son attention : Essayez donc dans un premier temps de le divertir pour attirer son attention vers autre chose. Pour ce faire, vous pouvez encourager, en douceur, votre enfant à orienter son comportement vers quelque chose de plus constructif et qui encourage les interactions entre vous et votre enfant. Prenons l’exemple d’un enfant qui aligne ses jouets encore et encore: commencez par désaligner un de ses jouets. S’il ne réagit pas plus que cela, c’est très bien, continuez comme cela une dizaine de fois puis essayez de désaligner un second jouet la prochaine fois. S’il réagit, qu’il ressent de la détresse, vous pouvez alors essayer de le divertir en jouant avec votre enfant avec le jouet désaligné, ce qui est l’occasion de mettre l’accent sur les interactions que vous pouvez avoir ensemble. C’est également l’occasion de développer l’imagination de votre enfant, de créer une histoire, de verbaliser auprès de votre enfant ce que peut “ressentir” le jouet, comme s’il était content d’être libéré de son alignement par exemple et que cela lui permettait de partir vers de grandes aventures. Si cela reste difficile pour votre enfant, essayez de le divertir vers autre chose qui n’a rien à voir, un livre par exemple, toujours en interagissant avec lui et sans pour autant remettre le jouet dans son alignement.
- Diminuer progressivement le rituel : Par exemple, si le rituel est composé d’une séquence de plusieurs comportements, tenter de le diminuer. Pour le rituel du coucher par exemple où l’enfant doit dire bonne nuit, faire 2 bisous sur chaque joue, puis éteindre la lumière 2 fois… commencez par retirer un élément de la séquence. Et s’il réagit difficilement, entrez en interaction avec lui au travers de petits jeux/défis. N’hésitez pas à la récompenser (notamment félicitez-le !) à chaque victoire !
- Modifier légèrement le rituel : On peut aussi encourager l’enfant à faire de légères variations dans son rituel sur un mode ludique : Par exemple pour les rituels du soir: changer le nombre de bisous selon les soirs, ajouter ou retirer des mots… On peut aussi tout simplement changer l’ordre des éléments du rituel.
- Apprendre à se détendre grâce à la respiration et à la relaxation : Si votre enfant est suffisamment grand, à partir de 4 ans par exemple, vous pouvez essayer avec lui quelques exercices de relaxation. Par exemple, vous pouvez lui apprendre chaque jour à faire des exercices de respiration (le soir avant de se coucher en particulier). Apprenez-lui la respiration carrée: j’inspire par le nez sur 2 ou 3 secondes, je bloque ma respiration sur 2 ou 3 secondes, j’expire par la bouche sur 2 ou 3 secondes et je bloque de nouveau 2 ou 3 secondes. Vous pouvez répéter cet exercice sur 5 ou 10 minutes et votre enfant devrait voir son angoisse apaisée. Là encore, allez-y en douceur et expliquez-lui. Une fiche sur la relaxation est disponible sur CléPsy, n’hésitez pas à la consulter
- Ne pas participer aux rituels (quand c‘est possible, c’est-à-dire quand cela n’entraîne pas des crises importantes). Si votre enfant vous demande d’aligner vous-même des objets, ou de respecter vous-même un certain rituel quand vous sortez de la chambre, ou encore, de faire des choses à sa place parce que les rituels l’en empêchent (il a oublié son doudou et vous demande d’aller le chercher parce que selon son rituel il ne peut plus aller le chercher), encouragez-le plutôt à faire ces choses lui-même et bien sûr à rompre le rituel.
- Le changement, ça peut être amusant ! présenter cela sous forme de jeu, faites appel à un petit personnage amusant qui se tromperait toujours dans les routines !
- Félicitez et valorisez votre enfant lorsqu’il rompt un de ses rituels ou adopte un comportement adapté dans une situation similaire à celles où il s’engage dans ces rituels. Il n’y a pas de petits progrès, donc ne soyez pas avares en félicitations.
- Toujours très important, interagissez avec lui en exprimant ce que vous ressentez, votre fierté par exemple. “Bravo, maman va pouvoir aller au lit à son tour, je suis très contente et très fière de toi”. Ceci permet de renforcer ses progrès.
Enfin, vous pouvez accompagner tout ceci par un calendrier que vous pouvez tenir de façon ludique pendant quelques semaines jusqu’à ce que les rituels disparaissent en affichant un sourire les jours de réussite et rien les jours avec rituels. Visualiser les progrès est toujours important ! Ceci renforce les progrès faits par votre enfant.