L’enseignant(e) de votre enfant vous conseille de consulter un(e) orthophoniste car il/elle a remarqué que sa lecture n’était pas fluide, que sa compréhension de la lecture était insuffisante, qu’il y avait beaucoup de fautes en dictée ou en rédaction, qu’il y avait des confusions ou d’autres erreurs. Vous-même avez peut-être constaté ses difficultés.
Le bilan orthophonique est prescrit par un médecin. Il permettra d’une part de situer votre enfant par rapport à ce qui est attendu pour son niveau scolaire et d’autre part de savoir si les difficultés relèvent ou non d’un trouble spécifique des apprentissages (aussi appelé dyslexie-dysorthographie). Il s’agira également de déterminer si la meilleure aide à apporter à votre enfant est une prise en soins orthophoniques ou une aide pédagogique.
Le bilan orthophonique fera l’objet d’un compte rendu écrit. Tous les bilans orthophoniques ne sont pas identiques car les outils d’évaluation sont nombreux et chaque professionnel est libre de choisir ceux qu’il souhaite utiliser.
Ces comptes rendus comportent de nombreux termes techniques que nous allons vous rendre plus clairs : graphème*, phonème*, stratégies de la lecture, non-mots*, etc.
→ les termes techniques figurant dans le compte-rendu d’un bilan orthophonique seront signalés par * et explicités dans le glossaire en fin de fiche
Avant de commencer, l’orthophoniste fera le point avec vous sur ce qui motive votre demande et reprendra le développement de votre enfant et les éventuels antécédents familiaux de trouble du langage ou des apprentissages. Puis différentes épreuves étalonnées* (c’est-à-dire permettant de situer votre enfant par rapport à ce qui est attendu à son âge ou à son niveau scolaire) lui seront proposées.
L’évaluation du langage écrit se fait autour de 2 axes principaux : la lecture (la reconnaissance des mots et la compréhension) et l’orthographe. En fonction des résultats, l’orthophoniste pourra être amené(e) à tester les compétences qui permettent de bien développer la lecture, la compréhension et l’orthographe.
Les épreuves proposées lors du bilan orthophonique seront bien évidemment adaptées au niveau scolaire de votre enfant mais aussi à ses difficultés : un bilan d’un enfant de CP ne sera pas le même que celui d’un enfant de 5ième.
Il est également bon à savoir que, même si les difficultés concernent le langage écrit, l’orthophoniste proposera aussi un bilan du langage oral .
En effet, des difficultés de langage oral peuvent avoir une incidence sur le développement de la lecture et de l’écriture.
Un manque de vocabulaire, une compréhension de phrases ou de récit difficile peuvent gêner la compréhension de la lecture.
Des déformations de mots à l’oral, une difficulté à construire des phrases peuvent également avoir des conséquences sur le développement du langage écrit.
I. L’EXAMEN DE LA LECTURE
Lire c’est identifier les mots écrits, c’est-à-dire décoder et accéder au sens de ce qui est écrit c’est-à-dire comprendre.
Pour reconnaître les mots écrits il faut comprendre le fonctionnement du « code écrit » c’est à dire le rapport entre les lettres ou les groupes de lettres appelés graphèmes* (par exemple « ou ») et les sons (les phonèmes*) et apprendre « le code » c’est-à-dire le son associé à chaque lettre ou groupe de lettres.
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Leximétrie
Il s’agira ici de mesurer les capacités d’identification de mots écrits.
A partir de textes porteurs de sens ou non, on demande à votre enfant de lire au mieux et le plus vite possible. Ces tâches sont courtes de 1 à 3 minutes. On analysera la vitesse et la précision. On notera également si votre enfant lit mieux lorsqu’il peut s’appuyer sur le sens de du texte.
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Analyse processuelle
La lecture fait appel à deux stratégies qui fonctionnent ensemble chez un lecteur sans difficulté : le processus phonologique ou sublexical* (le déchiffrage, où l’enfant fait correspondre les graphèmes* aux phonèmes*) et le processus orthographique ou lexical* (reconnaissance directe rapide d’un mot).
Quand il y a un trouble de la lecture, le bilan orthophonique permet de déterminer à quel niveau se situent les difficultés.
Processus sublexical / d’assemblage / phonologique
Processus lexical / d’adressage / direct
On proposera donc :
– des listes de graphèmes* (c’est-à-dire lettres et des groupes de lettres) pour voir si votre enfant trouve rapidement, de façon automatique, le son qui leur est associé,
– des listes de non-mots * (mots qui n’existent pas mais qui ont, ou non, la forme de mots français) pour voir comment votre enfant peut lire des mots nouveaux pour lui, qu’il n’a jamais rencontrés,
– des listes de mots de différentes longueurs, fréquences dans la langue, consistance* (c’est-à-dire une correspondance entre les graphèmes* et les phonèmes* qui est transparente (ex : voiture)) par opposition à des correspondances exceptionnelles (exemples : « chœur » ou « femme ») pour identifier le (les) critère(s) qui perturbe(nt) la lecture.
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Compréhension de la lecture
La lecture ce n’est pas que du déchiffrage c’est aussi l’accès à la compréhension de ce qui est lu. Une lecture fonctionnelle est une lecture fluide avec un accès au sens.
L’orthophoniste va donc tester si votre enfant comprend bien ce qu’il lit.
Selon le niveau scolaire de votre enfant, différents types de tâches peuvent être proposés :
-au niveau du mot : associer un mot écrit à une image parmi plusieurs ou prendre une décision lexicale (choix vrai mot/non mot),
-au niveau de la phrase : jugements (possible/impossible), appariements (association avec une image ou une phrase de même sens), closures de phrases (c’est-à-dire terminer une phrase dont seul le début est écrit), mimes avec des objets à partir de la lecture d’un énoncé…
-au niveau du texte : restitution d’une histoire lue, questions de compréhension (ouvertes, QCM), remettre dans un ordre chronologique des parties de textes…
II. L’EXAMEN DE LA TRANSCRIPTION
Il visera à déterminer comment votre enfant transcrit un phonème* (c’est-à-dire un son perçu) en un graphème* (une lettre ou un groupe de lettres) et son accès aux différents processus orthographiques :
- orthographe d’usage (est-ce que ce mot s’écrit avec p/pp, en/an …),
- grammaire (les règles d’accords et de conjugaison),
- segmentation (séparer correctement les mots).
Ainsi on pourra proposer différentes tâches :
-dictée de syllabes,
-dictée de mots et de non-mots*,
-dictée de phrases.
Par ailleurs, une courte rédaction peut être demandée pour voir comment votre enfant parvient à gérer, en même temps, son récit et l’orthographe.
III. LES PROCESSUS SOUS-JACENTS
Si des difficultés sont relevées dans les tâches précédentes il faudra en identifier les causes. Pour cela différentes épreuves pourront être proposées.
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Phonologie
Lors de l’apprentissage de la lecture, l’apprenti lecteur n’a pas de stock orthographique* c’est-à-dire qu’il n’a pas encore mémorisé d’images orthographiques des mots, il procède donc par conversion graphème*-phonème* ou codage (transformation de chaque lettre ou groupe de lettres rencontrés en sons ou phonèmes*) et assemblage* (il assemble les sons entre eux, c’est le fameux b-a > ba).
Mais pour cela, il doit être capable d’identifier /discriminer les phonèmes (épiphonologie*), de les manipuler c’est-à-dire de les assembler, de découper les mots en sons (c’est ce qu’on appelle la métaphonologie*).
Ainsi, l’orthophoniste pourra proposer des exercices de comptage de sons dans un mot, de fusion de sons (si je dis « t-r-a » et que tu assembles les sons ça fait … « tra »), d’élisions/d’ajouts de sons (si dans « tra » on enlève le 1er son que reste-t-il ?), de repérage d’un son cible (entends-tu « ch » dans « chapeau» ? « jeudi » ?)…
D’autre part, une des épreuves du bilan orthophonique qui permet de savoir si votre enfant parvient à bien différencier les sons est de lui demander de répéter correctement des mots complexes, des pseudo-mots (mots qui n’existent pas mais qui ressemblent à des vrais mots).
En outre, pour lire il faut associer rapidement un son (phonème*) à une lettre ou un groupe de lettres (graphèmes*) ce qui veut dire qu’il faut être en capacité de récupérer rapidement, dans sa mémoire phonologique* (la mémoire des sons) le son qui correspond au graphème*. Pour tester ce point l’orthophoniste pourra proposer des tâches où il faudra dire le plus vite possible des noms de couleurs ou de dessins par exemple.
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Mémoire
L’accès à un langage écrit fonctionnel nécessite aussi de bonnes capacités de mémorisation.
L’orthophoniste, parmi les différentes mémoires, va plus particulièrement explorer la mémoire à court terme auditivo-verbale* (une mémoire qui permet de retenir provisoirement des informations verbales entendues) avec :
– des répétitions de non-mots* (mots qui n’existent pas) afin d’être sûr que votre enfant active sa mémoire phonologique* et non sa connaissance du sens du mot,
– des répétitions de séries de chiffres à l’endroit et à l’envers.
La mémoire orthographique* (la mémoire qui sert à retenir l’information relative à l’orthographe des mots) sera également évaluée avec des tâches de mémorisation de mots ou non-mots* écrits qui seront, après une phase d’apprentissage, restitués par l’enfant toujours en modalité écrite.
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Le traitement visuo-attentionnel
Pour une lecture fluide, il faut être capable à la fois de bien distinguer les lettres de celles qui l’entourent et pouvoir repérer une séquence de lettres en une fixation du regard ; ainsi que d’anticiper le mouvement suivant des yeux, qui permet au regard de se poser au bon endroit pour lire les mots qui viennent après.
Si l’orthophoniste a un doute, il/elle pourra proposer différentes tâches comme :
– une reconnaissance très rapide de lettres dans une séquence donnée,
– la mémorisation d’une séquence visuelle de lettres que votre enfant devra répéter afin de mesurer combien de lettres il peut traiter en une fixation de regard.
Conclusion
A l’issue du bilan orthophonique, le diagnostic de trouble d’apprentissage du langage écrit sera posé ou écarté.
Si le trouble spécifique d’apprentissage du langage écrit (dyslexie-dysorthographie) est avéré il/elle vous proposera une prise en charge dont il/elle fixera le rythme hebdomadaire, sachant que la fréquence des séances est une donnée importante de la réussite de la rééducation. Il/elle établira également une programmation rééducative en déterminant les axes de travail prioritaires (c’est ce que l’on appelle le projet thérapeutique). Une demande d’accord préalable sera transmise à l’assurance maladie afin que les soins effectués soient remboursés (à hauteur de 60% par l’assurance maladie et 40% par la mutuelle).
Parfois des bilans complémentaires seront nécessaires : bilan psychomoteur, psychologique, ORL, ophtalmologique… voire une consultation spécialisée en centre référent des troubles du langage et des apprentissages.
Glossaire
Assemblage : association des sons entre eux (après la conversion graphème-phonème), c’est le fameux b-a > ba
Consistance d’un mot : mot avec une correspondance entre les graphèmes et les phonèmes qui est transparente (ex : voiture)
Conversion graphème-phonème ou codage : transformation de chaque lettre ou groupe de lettres rencontré en sons ou phonèmes
Epiphonologie : identification /discrimination des phonèmes. C’est une compétence qui émerge au cours du développement du langage oral
Etalonné : test qui a donné lieu à un étalonnage. La comparaison des résultats d’un enfant par rapport à l’étalonnage (construit à partir des résultats d’une population de référence) permet de situer ses performances à ce test par rapport à ce qui est attendu à son âge ou à son niveau scolaire
Graphème : lettre ou groupe de lettres
Mémoire à court terme auditivo-verbale : mémoire qui permet de retenir provisoirement des informations verbales entendues
Mémoire phonologique : mémoire des phonèmes, des sons de la parole
Mémoire orthographique : mémoire qui sert à retenir l’information relative à l’orthographe des mots
Métaphonologie : capacité à manipuler les phonèmes c’est-à-dire les assembler, les inverser, les ajouter/supprimer, de découper les mots en sons.
non-mot : mot qui n’existe pas mais qui a, ou non, la forme de mots français
Phonèmes : sons de la langue qui constituent les mots et qui permettent de les différencier (ex : bateau / râteau)
Processus orthographique ou lexical : reconnaissance directe rapide d’un mot, à distinguer de la méthode globale qui n’est qu’une reconnaissance visuelle
Processus phonologique ou sublexical : déchiffrage (l’enfant fait correspondre les graphèmes aux phonèmes)
Stock orthographique : mémorisation d’images orthographiques des mots
Trouble spécifique des apprentissages : dyslexie-dysorthographie