Parler à l’enfant de la dépression d’un de ses parents / proches

Dans cette fiche on prendra pour exemple papa/maman mais cela concerne n’importe quel parent ou proche de l’enfant. Cette fiche propose des conseils pratiques pour guider les adultes dans cette démarche, tout en veillant à protéger les émotions de l’enfant et à répondre à ses besoins.


Pourquoi faut-il lui en parler ?


    # Une communication honnête permet de réduire la confusion et l’anxiété des enfants. Savoir que la dépression est une maladie (et non un comportement volontaire du parent) aide à dissiper les sentiments de culpabilité chez l’enfant. Cela favorise également une relation parent-enfant plus sécurisante.

    # Il n’est jamais trop tard pour en parler, si jusqu’à présent vous avez évité le sujet ou simplement dit à votre enfant « tout va bien ne t’inquiète pas », et que votre enfant semble s’inquiéter, vous pouvez en parler, aborder le sujet, changer ou modifier votre réponse. Les enfants comme les parents ne sont pas toujours prêts pour aborder un sujet et on a le droit de revenir dessus et de rouvrir une discussion.

    # Si l’enfant n’est pas informé, il peut développer des croyances erronées, telles que le fait qu’il est responsable de la dépression du parent ou que ce dernier l’aime moins qu’avant. 

    • Stratégie : Expliquez à l’enfant comment ses pensées influencent ce qu’il ressent. Utilisez des exemples concrets de sa vie pour montrer que ses croyances peuvent amplifier ou diminuer ses émotions. Par exemple, vous pouvez dire : « Quand tu vois papa triste, tu peux penser que c’est parce qu’il ne veut pas jouer avec toi, mais en réalité, c’est parce qu’il se sent mal à cause de sa maladie. Si tu comprends cela, tu te sentiras moins triste. »

    Qui doit en parler ?


    Tout adulte responsable de l’enfant peut se montrer disponible pour parler avec lui de cette situation, en se mettant par ailleurs en lien avec l’un des parents de l’enfant. La personne déprimée elle-même peut bien sûr aborder le sujet, mais il arrive que la dépression rende difficile une vision objective de sa propre situation, et les sentiments de culpabilité ou de tristesse peuvent compliquer le dialogue avec l’enfant. Dans ce cas, un proche ou l’autre parent peut prendre le relais. L’essentiel est que la discussion soit bienveillante envers l’enfant ainsi qu’envers le parent ou le proche en difficulté.


    Comment aborder le sujet ?


    Observation et validation des émotions de l’enfant 

    Si vous avez observé des modifications dans le comportement de votre enfant Encourager l’enfant à exprimer ses ressentis 

    Proposer un espace d’échange en toute sécurité  

    Initier l’échangeCommencez par poser une question ouverte sur ses observations ou émotionsVous pouvez nommer les changements perçus chez votre enfant pour l’aider à verbaliserUne autre manière d’introduire la discussion est d’inciter l’enfant à parler de ses émotionsSi l’enfant a des difficultés à aborder le sujet, montrez-lui que vous serez disponible pour en reparler plus tard lorsqu’il se sentira prêt, sans le forcer :
    Suggestions« Tu as peut-être remarqué que papa/maman n’est pas comme d’habitude ces derniers temps. As-tu des questions ou des inquiétudes à ce sujet ? » « J’ai remarqué:  quand papa/maman a l’air triste, tu cherches à me faire des câlins ou tu allumes la télévision »« Comment te sens-tu quand papa/maman est très fatigué(e) ou triste? »    « Il y a des moments où papa/maman se sent vraiment très triste ou irritable, et cela peut être difficile à comprendre. Si tu as envie d’en parler, je suis là pour t’écouter. » 
    ObjectifsCela permet à l’enfant de partager ce qu’il a déjà remarqué, de valider ses perceptions et d’ouvrir la discussion vers l’explication de certains comportements du parent, comme la fatigue, l’irritabilité ou la difficulté à effectuer les tâches du quotidien.

    Adapter le discours à l’âge


    Pour les jeunes enfantsPour les adolescents
    Ton du DiscoursSimple et clair : utilisez des mots simples et des phrases courtes. Par exemple, « Papa/Maman se sent très triste et fatigué(e) en ce moment. Cela s’appelle la dépression. »Discours plus détaillé : Vous pouvez expliquer un peu plus en détail ce qu’est la dépression, en mentionnant que c’est un trouble qui affecte l’humeur, les pensées et le comportement.
    Faites des analogiesAnalogie simple : Comparer la dépression à quelque chose que l’enfant comprend, comme un rhume, mais qui affecte les émotions et l’énergie. Par exemple, « C’est comme avoir un gros nuage gris au-dessus de la tête qui rend difficile de se sentir heureux. » Ou encore « Tu sais, quand on est malade, on a besoin de repos pour guérir… Parfois, cela rend les petites tâches comme faire à manger ou ranger un peu plus difficiles. C’est le cas pour papa/maman/autre qui traverse un moment difficile et a besoin d’être aidé. Analogie complexe : « Tu sais, tout le monde traverse parfois des périodes où les choses semblent plus lourdes à porter, comme si on devait courir un marathon avec un sac à dos rempli de pierres. C’est un peu ce qui arrive à ton père/ta mère/autre en ce moment. Sa dépression, c’est comme un poids invisible qui épuise son énergie et rend les tâches du quotidien, même les plus simples, beaucoup plus difficiles. »


    Utiliser des ressources externesDes livres, des vidéos ou des professionnels (comme des thérapeutes) spécialisés dans l’explication des maladies mentales aux enfants peuvent être d’une grande aide. Par exemple, un livre pour enfants sur la dépression peut expliquer de manière simple et visuelle ce que vit le parent.
    Peut-on tout dire ?Ne cherchez pas à tout dire, vous pouvez encourager les questions et fournir des réponses honnêtes.

    Que dire ?


    1. SOULIGNER QUE CE N’EST PAS DE SA FAUTE

    Assurez-vous que l’enfant comprend que la dépression n’est pas causée par quelque chose qu’il a dit ou fait. Pensez à rassurer l’enfant sur le fait que ce n’est pas contagieux. 
    « Ce n’est pas de ta faute si papa/maman se sent comme ça. La dépression est une maladie ».

    2. RASSURER SUR L’AMOUR QU’ON LUI PORTE

    Les enfants peuvent se sentir délaissés lorsqu’un de leurs parents souffre de dépression. Il est crucial de les rassurer en insistant sur le fait qu’ils sont aimés, même si le parent n’est pas toujours capable de le montrer de manière évidente à cause de la maladie.  Le soutien émotionnel des autres adultes auprès de l’enfant (famille élargie, enseignants, etc.) est très important pour l’aider à traverser cette période
    « Tu ne dois pas t’inquiéter/ papa/maman t’aime très fort« 

    3. ENCOURAGER L’EXPRESSION DES ÉMOTIONS

    # Utiliser des questions ouvertes permet à l’enfant d’exprimer librement ses préoccupations et de clarifier ses pensées. Plutôt que de demander. Cela invite l’enfant à verbaliser ses sentiments de manière plus détaillée.

    # Reconnaître et valider les émotions de l’enfant. Cette validation des émotions permet à l’enfant de se sentir entendu et soutenu, tout en limitant l’augmentation de l’anxiété.
     « Est-ce que tu es triste ? », qui limite la réponse à un « oui » ou « non« , Vous pourriez demander :  « Comment te sens-tu quand papa/maman est fatigué(e) ? »ou « Qu’est-ce que tu penses quand tu vois papa/maman triste ou qu’il/elle ne veut pas faire les choses qu’il/elle aime ? » Par exemple, si l’enfant exprime de la peur ou de la tristesse, vous pourriez dire :  « Je comprends que cela te fasse peur et que tu sois triste. C’est normal de te sentir ainsi quand une personne que tu aimes se sent mal. »  

    4. PARLER DES SYMPTÔMES DE MANIÈRE CONCRÈTE

    Les enfants peuvent remarquer que leur parent est fatigué, irritable ou triste. Ils peuvent également observer que leur parent éprouve des difficultés à accomplir des tâches quotidiennes, comme préparer le dîner ou garder la maison rangée, ou qu’il semble moins intéressé par les activités qu’il aimait auparavant. « Tu as peut-être remarqué que papa/maman est souvent fatigué(e), triste ou irritable, et parfois, il/elle a du mal à faire les choses qu’il/elle aime. C’est parce qu’il/elle se sent mal à cause de la maladie. Cela ne veut pas dire qu’il/elle t’aime moins. « 

    5. EXPLIQUER LA PRISE EN CHARGE

    Parler des différentes façons dont on soigne la dépression, comme la thérapie ou les médicaments. Pour expliquer la prise en charge, vous pouvez utiliser l’image de la pente glissante. Cela aide l’enfant à visualiser la lutte de son parent et l’importance d’un soutien approprié. :
    « Imagine que papa/maman se trouve sur une pente glissante. Il/elle glisse et se sent de plus en plus triste ou fatigué(e). Mais avec de l’aide, comme des médecins ou des médicaments, papa/maman pourra remonter la pente et se sentir mieux. Ça peut prendre du temps, mais il/elle est en train de se faire aider. »

    6. MAINTENIR DES ROUTINES STABLES

    Essayez de maintenir une routine stable pour l’enfant autant que possible. La stabilité aide à réduire l’anxiété et à fournir un sentiment de sécurité. 
    « Même si Papa/Maman ne se sent pas bien, on va continuer à faire des choses ensemble, comme lire des histoires avant de dormir. »


    Et ensuite ? Restez vigilant


    Surveiller les réactions de l’enfant après avoir abordé le sujet avec lui. Si l’enfant montre des signes d’inquiétude excessive ou des changements de comportement, il peut être nécessaire d’en reparler avec lui et de lui proposer par exemple une consultation avec un psychologue, ou médecin ou personnel soignant. Vous pouvez consulter cette fiche pour repérer les signes de dépression chez votre enfant.

    En abordant la situation avec honnêteté, empathie et soutien, vous pouvez aider l’enfant à mieux comprendre ce que traverse le parent et à se sentir en sécurité malgré les défis posés par la dépression.

    Voici un exemple en résumé  : 

    « Tu as peut-être remarqué que je suis souvent fatigué(e) ou que je n’ai pas toujours envie de faire des choses qu’on aime. Est-ce que tu as remarqué ça ou as-tu des questions à ce sujet ? Je veux te parler d’une maladie qu’on appelle la dépression. C’est une maladie qui rend les pensées et les émotions tristes ou fatiguées. Ce n’est pas comme un rhume où on tousse, mais c’est un peu comme un gros nuage gris dans la tête qui rend les journées plus difficiles. » »Parfois, tu peux voir que je suis plus fatigué(e), irritable, ou que j’ai du mal à faire certaines choses comme avant. Mais cela ne veut pas dire que je t’aime moins. Et surtout, ce n’est pas ta faute. Tu n’as rien fait de mal. C’est une maladie que personne ne choisit d’avoir, mais je fais tout pour aller mieux. » »Pour ça, je parle avec des docteurs qui m’aident à comprendre et soigner cette maladie. Parfois, je prends aussi des médicaments pour retrouver de l’énergie et de la joie. Ça prend du temps, mais je veux que tu saches que je fais de mon mieux. » »Même si je ne vais pas toujours bien, je t’aime énormément et on continuera à faire des choses ensemble, comme lire des histoires ou jouer quand je suis en forme. Si tu as des questions ou si tu veux me parler de ce que tu ressens, je suis toujours là pour t’écouter. On pourrait aussi lire un livre ensemble qui explique mieux cette maladie, si tu veux. Tu sais, c’est normal de se sentir parfois inquiet ou triste quand une personne qu’on aime ne va pas bien, et je veux que tu sois à l’aise pour en parler. »

    Références

    Auteurs

    Hélène PONCET-KALIFA
    Psychologue

    Alexandre HUBERT
    Psychiatre

    Anne BARGIACCHI
    Psychiatre

    Partager la fiche