Attaques terroristes : en parler à vos enfants et prévenir l’anxiété

Depuis plusieurs années, la France subit régulièrement  des attaques de nature terroriste dont plusieurs ont touché directement ou indirectement des enfants. La menace de nouveaux attentats fait désormais  partie de notre quotidien et ce sujet est particulièrement présent dans les médias. 

Qu’il s’agisse de débats télévisés, d’images plus ou moins explicites partagées sur les réseaux sociaux, de discussions de cours de récréation, ou  des exercices “attentat-intrusion” que font les enfants à l’école, ces derniers se trouvent indubitablement exposés à de la violence et à la crainte d’une nouvelle attaque. Confrontés à ce type d’information, ils peuvent ressentir de l’anxiété même s’ils ne sont pas directement témoins ou victimes d’un acte terroriste. Dans ce contexte, prévenir l’exposition des plus jeunes et leur permettre d’accéder à une information adaptée est un enjeu majeur de santé publique. 


Quels sont les risques d’une exposition indirecte à un événement terroriste ?


1/ Anxiété :

L’exposition au terrorisme via les médias ou lors des exercices scolaires “attentat-intrusion” peut conduire à une prise de conscience de la menace terroriste. Ceci peut  se traduire par  l’émergence de symptômes  anxieux,  l’enfant craignant une attaque qui  impacterait sa famille ou lui-même,  en particulier dans les lieux publics à l’école, dans son lieu de culte ou bien dans la rue. Ces symptômes anxieux peuvent s’exprimer de différentes façons :

  • Chez les plus jeunes, pour lesquels la verbalisation des émotions  n’est pas toujours simple, l’anxiété peut se manifester par une hyper-réactivité émotionnelle : irritabilité, pleurs, tension, agressivité, majoration de l’opposition, trouble du sommeil, refus alimentaire, dépendance  affective.
  • Chez les plus grands enfants ou chez les adolescents, des conduites d’évitement ( tendance à éviter les situations qui leur font peur) sont possibles. On peut ainsi observer un absentéisme scolaire ou un repli au domicile.  
  • Dans les formes les plus sévères, des éléments de stress aigu (survenant immédiatement au décours) ou de syndrome de stress post-traumatique (survenant  à distance de  l’événement stressant) peuvent apparaître après avoir été exposé à des images violentes : par exemple, sursauter en cas de bruit fort, des difficultés d’endormissement ou des cauchemars, une certaine passivité ou perte d’énergie,  un sentiment de fatigue chronique, de vide, l’impression d’être indifférent à ce qui se passe autour de nous  etc…).

2/ Crainte pour les proches :

Entendre fréquemment parler d’attentats ou être exposé à des images explicites de façon régulière crée un sentiment de menace permanent et omniprésent. Ce climat délétère amène à surévaluer le risque qu’un tel événement arrive. On parle de confusion entre possibilité et probabilité. Il n’est pas rare que des enfants craignent pour la sécurité de leurs parents et de leurs amis sans s’autoriser à en parler.  

3/ Perte de contrôle :

Les enfants et adolescents exposés régulièrement à  la question du terrorisme (exposition indirecte, médiatique, scolaire via les exercices “attentat-intrusion”) peuvent avoir l’impression que  leur environnement est imprévisible, qu’ils ne peuvent pas planifier ou organiser des événements, des activités. Cela peut conduire à un retrait social,  un  évitement des situations sociales considérées à risque et un isolement.


Comment parler du risque  terroriste à son enfant ?


1/ Adapter son niveau d’explication et de langage à l’âge et au niveau de compréhension de l’enfant :

En période de menace terroriste importante (ou d’actes terroristes réalisés comme l’assassinat de Samuel Paty dont les enfants ont beaucoup parlé en classe), il est important de favoriser le dialogue avec son enfant (par exemple en  faisant une activité avec lui, en  rentrant plus tôt du travail). Il s’agit de discuter des événements récents et de la manière dont votre enfant les perçoit. L’engagement de la  conversation dépend de l’âge de l’enfant, de sa facilité à discuter de ses émotions et aussi de son niveau de préoccupation vis-à-vis de ces sujets. Voici quelques outils : 

  • Adaptez-vous au niveau de langage et de compréhension de votre enfant, notamment dans le niveau de détails avec lequel vous traitez le sujet. Plus l’enfant est jeune, plus les mots choisis et la situation doivent être résumés simplement. Évitez les mensonges. Les enfants ont besoin de faire confiance aux adultes qui les entourent.
  • Interrogez le sur le niveau d’information dont il dispose (”Où/ Par qui/Comment en as-tu entendu parler ? Es-tu au courant des nouvelles ? Qu’as tu entendu à l’école ou à la télévision sur ce sujet?”). Restez généralistes dans vos explications et laissez votre enfant orienter ses questions, les enfants  ne réagissent pas tous aux mêmes éléments.
  • Privilégiez des réponses brèves, simples et qui répondent à la question de l’enfant. 
  • Pour les enfants les plus jeunes, n’hésitez pas à vous installer tranquillement avec eux et à leur proposer un temps de dessins ou de jeux pour raconter ce qu’ils savent. Vous pourrez partir de ce point de départ pour parler de la situation  avec eux. 
  • Ne soyez pas surpris si votre enfant pose des questions crues sur la mort ou les blessures  induites. Il y  a parfois chez les plus jeunes une différence importante entre ce qu’ils utilisent comme mots et ce qu’ils en comprennent (par exemple ils ont entendu des mots assez violents mais ne savent pas ce qu’ils veulent dire précisément). N’hésitez pas à reformuler avec des mots plus simples et qui vous  paraissent plus adaptés à son niveau de compréhension. Votre enfant se sentira ainsi plus à l’aise dans ses interrogations et aura la sensation que vous l’avez compris. 

2/ Contextualiser et formuler des perspectives  positives pour qu’il puisse se projeter dans un  futur  rassurant :

Dans cette abondance d’informations, d’images, d’attentats terroristes à répétition depuis quelques années, il est illusoire d’empêcher ses enfants d’être confrontés à ces questions stressantes.

Il s’agit plutôt de les accompagner dans le traitement de ces informations et dans leur volonté de comprendre ce qu’il se passe autour d’eux, et  de les protéger en s’assurant qu’il ne sont pas exposés inutilement à des images violentes, en  particulier sur internet pour les plus grands. De même, attention aux chaînes d’information en continue qui maintiennent un climat d’insécurité permanent, tout  particulièrement lorsqu’il y a un attentat ou une alerte significative. Aider les enfants à prendre du recul et à verbaliser leurs ressentis et leur compréhension des événements  sont des outils contre l’anxiété.

  • Lorsqu’il entend les informations ou regarde le journal télévisé votre enfant peut comprendre les choses différemment que vous. Favoriser une discussion partagée, adaptée à l’âge de votre enfant lorsqu’un attentat survient. Vous pourrez ainsi le questionner “en direct”  sur  son niveau de compréhension et sur ses sentiments vis-à-vis de l’événement . 
  • Favoriser une perception cohérente des risques réels.  “Le test de réalité” est un exercice qui vise à relativiser la fréquence des événements terroristes. Il n’est pas question ici d’évaluer la gravité ou les conséquences politiques de tels actes mais plutôt de pouvoir relativiser le risque d’y être confronté directement à l’échelle individuelle. Cela peut limiter l’intensité de l’anxiété et la mise en place de conduite d’évitement (éviter certain lieu, certaine situation, car on a peur).
  • Remettre les informations dans leurs contextes. Comprendre le contexte (politique, historique, etc …) d’un événement permet de prendre du recul et de ne pas subir directement les émotions face aux informations. Il s’agit ici encore de pouvoir donner un sens aux situations menaçantes. C’est d’autant plus vrai quand les événements ont lieu dans un autre pays, les enfants peuvent fonctionner par association en se disant si c’est arrivé là bas cela peut arriver ici alors que le contexte n’est pas le même. 
  • Rétablir l’équilibre sur la perception du Monde et des autres : « oui, certaines personnes ont commis des actes horribles, mais il y a aussi des gens qui font des choses formidables, qui s’entraident ». 
  • Faire des bilans positifs, observer ce qui va bien. Nous sommes parfois plus attirés par les informations menaçantes que par les bonnes nouvelles. Il est donc important de rééquilibrer en faisant un journal des bonnes nouvelles et des belles initiatives. 
  • Favoriser le débat lorsque l’âge de votre enfant le permet (ne surestimez pas sa maturité sur la question). Face à des événements choquants, le désir de mettre du sens, de comprendre peut conduire à se “surinformer” : mettre les chaînes d’information en continu, suivre les nombreux liens partagés sur les réseaux sociaux. Il est important  d’accompagner les enfants et les plus grands dans cette démarche de l’information à tout prix. Mettre les chaînes d’information en continu ou suivre les nombreux liens partagés sur les réseaux sociaux est le plus souvent très anxiogène.  Cherchez ensemble comment faire pour se préserver, pour résister à l’attrait que peuvent produire ces images, ces récits de personnes touchés par les événements.  Il est parfois utile de verbaliser ce que  vous pouvez ressentir lorsque vous-même vous regardez ces informations ou les entendez. Cela permet aussi à votre enfant de se  rassurer sur son propre ressenti, et de mieux ajuster ses sentiments.
  • L’équilibre à trouver entre vouloir protéger son enfant sans pour autant encourager des conduites d’évitements n’est pas toujours simple à trouver. Dans tous les cas, il faut faire son possible pour rassurer son enfant. Il faut éviter de renforcer les pensées anxieuses voire irrationnelles de votre enfant. Par exemple, il faut éviter de dire: ‘C’est bien d’avoir fait un exercice “attentat-intrusion” à l’école car on ne sait  jamais. Le risque est grand en ce moment d’avoir un attentat à l’école.’ On peut dire à la place ‘C’est bien d’avoir fait une alerte-intrusion à l’école, même si on sait que ça n’arrivera probablement jamais’ 

 


Comment rassurer et se rassurer au quotidien en tant que parent ?


1/ Rassurer, au quotidien :

  • Se projeter positivement  dans l’avenir. Il est indispensable de se projeter dans l’avenir. Pas nécessairement avec des projets ambitieux. Mais planifier un  anniversaire, une après-midi de jeux avec des amis, planifier des vacances… Bref des projets à très court/moyen/long termes mais positifs, c’est très important. Ces projets doivent être rassurants et valorisants pour  votre enfant. 
  • Garder le sourire.  Le rire est un remède anti-stress très puissant. Introduisez un “moment spécial” avec votre enfant dans la journée. Soyez disponibles pour chacun de vos enfants – même 10 min par jour – pour jouer, discuter (sans téléphone, ni télévision). Cela augmente considérablement sa confiance en lui. Vivre des moments de bien-être et de complicité diminue le stress ! Souriez : bien que cela puisse sembler très simple, afficher ouvertement votre joie de vivre est le moyen le plus sûr de la transmettre à votre enfant ! Même lorsque les temps sont durs, essayez de préserver des moments où on sourit !
  • Garder des repères : veillez à préserver les routines qui font partie du quotidien de votre enfant… Et de temps en temps, laissez un peu de place à l’imprévu, à des bonnes surprises ! 
  • Maintenir une hygiène de vie rassurante le sommeil, l’alimentation et l’exercice physique permettent à notre corps d’être en pleine forme pour gérer les émotions et pour prévenir le stress. Le sport pratiqué régulièrement est extrêmement efficace pour gérer l’anxiété de faible intensité ou la  morosité. Elle permet aussi à l’enfant de se  sociabiliser et de  partager autre chose que des temps de jeux vidéos ou  de réseaux sociaux

 

# Se rassurer, se protéger en tant qu’adulte :

En période de crise, la peur d’être confronté directement à un événement terroriste peut devenir très importante. L’anxiété des parents est un facteur prédictif important de l’anxiété des enfants, il devient alors nécessaire de trouver des moyens de faire baisser la pression dans la famille !

  • Avant tout, protégez vous du contenu explicite en limitant votre consommation d’images liées au terrorisme. Les images violentes entraînent une anxiété mais même  la couverture médiatique traditionnelle peut être  une source de stress importante, car elle crée un sentiment de permanence de la menace.
  • Si vous ressentez une angoisse importante, pensez à demander  de l’aide ! Vous aurez du mal à aider votre enfant à relativiser si vous êtes vous-même en prise avec ce type de préoccupation. 
  • Prenez soin de vous. Il est important d’essayer de garder une routine quotidienne et  une bonne hygiène de vie. 
      • Le faire le plus souvent possible quitte à ne pas très bien le faire plutôt que de le faire parfaitement, mais rarement.
      • Le stress lié aux événements terroristes que vous pouvez ressentir vient s’ajouter à d’autres situations de stress que vous rencontrez déjà (travail, relations familiales ou amicales difficiles, problèmes d’argent, précarité). Vous pouvez chercher à faire diminuer votre stress dans certaines de ces situations, afin de faire baisser votre stress global.
      • Se ménager du temps pour soi et avoir confiance en son style parental : programmez régulièrement des moments agréables pour vous, même très courts : écouter un podcast, faire une balade, danser, dites-vous  que vous faites très bien  et pour le mieux,  félicitez-vous  d’être un bon  parent.

       

       


      Références

      Auteurs

      Benjamin LANDMAN
      Psychiatre

      Alicia COHEN-FREOUA
      Psychiatre

      Alexandre HUBERT
      Psychiatre

      Hélène PONCET-KALIFA
      Psychologue

      Richard DELORME
      Chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Psychiatre

      Partager la fiche